Tensions transfrontalières: paix des braves entre le Cameroun et la Guinée équatoriale

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Le Cameroun et la Guinée équatoriale ont parachevé un accord de coopération relatif aux actions communes en matière de défense et de sécurité transfrontalière. Ce traité intervient dans un contexte où les tensions étaient vives entre les deux voisins et alors que la Guinée équatoriale envisageait de construire un mur sur leur frontière commune.

Une nouvelle ère s’ouvre dans la collaboration entre le Cameroun et la Guinée équatoriale, deux pays voisins de la sous-région Afrique centrale en proie à des tensions récurrentes sur leur frontière commune.

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Mardi 21 juillet 2020 à Malabo, les deux États ont formalisé un accord de coopération militaire pour non seulement garantir la stabilité au niveau de leur limite territoriale, mais aussi marquer leur désir commun à préserver la paix. Les délégations des deux pays se sont engagées à:

«La volonté de renforcer la coopération en matière de défense et de sécurité sur la base des principes de souveraineté nationale, de non-ingérence dans les affaires intérieures, d’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force et de règlement pacifique des différends», peut-on lire dans un communiqué dont Sputnik a reçu copie.

Par cet accord, les deux États se promettent également «de renforcer la stratégie de défense et de sécurité aux frontières communes, ainsi que l’adoption de politiques idoines pour faire face aux diverses menaces à la sécurité, telles que le trafic de drogue et la criminalité transfrontalière organisée et la mise en œuvre de mesures visant à endiguer la violence, le vol et la criminalité transfrontalière».

La paix des braves?

Ce pacte de non-agression, de non-interférence dans les affaires intérieures et de l’institution d’un mécanisme commun de gestion des flux migratoires arrive dans une conjoncture marquée par des tensions régulières entre Malabo et Yaoundé au sujet de leur frontière. En effet, des incidents répétés ont été signalés le long de cette démarcation depuis que Malabo a entrepris, en mars dernier, la construction de miradors, «empiétant» ainsi sur le territoire camerounais.

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Un contexte qui a ravivé les rivalités entre les deux pays dans la localité de Kyé-Ossi, au sud du Cameroun. D’ailleurs, Paul Biya y avait dépêché en avril une délégation de ministres pour examiner la situation dans cette zone transfrontière (Cameroun, Guinée équatoriale, Gabon). Au terme des travaux de Malabo, les signataires de l’accord ont salué, rapporte le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, cet aboutissement heureux dans la gestion des questions qui se posent au niveau de la démarcation entre les deux pays.

«Les nuages qui ont failli se former progressivement ces derniers mois dans le ciel entre les deux pays sont dissipés et éloignés définitivement», s’est ainsi réjoui Joseph Beti Assomo, ministre de la Défense et chef de la délégation camerounaise.

Si ce traité représente un soulagement pour les populations frontalières des deux pays qui entretiennent des échanges au quotidien, il n’interdit pas pour autant à la Guinée équatoriale de poursuivre les travaux de construction d’un mur de séparation sur son sol. Cependant, au terme d’une première rencontre dédiée à ces différends frontaliers à Yaoundé, entre les émissaires des deux pays les 29 et 30 juin derniers, le ministre de la Défense du Cameroun avait laissé entendre que «des nouvelles (…) font état de la suspension de ces travaux» de ce chantier équato-guinéen.

Alors que le communiqué final de la rencontre de Malabo ne mentionne pas spécifiquement le sujet, Dalvarice Ngoudjou, internationaliste camerounais, demeure sceptique.

«Je ne dirais pas que la Guinée équatoriale a abandonné le projet de construction de son mur. Elle a tout simplement suspendu les travaux. Plusieurs fois, elle a promis d’abandonner mais les faits n’ont pas suivi. Donc seul l’avenir nous le dira», commente-t-il au micro de Sputnik.

Le mur de séparation à l’épreuve de l’intégration sous-régionale

La zone frontalière de la Guinée équatoriale, du Cameroun et du Gabon, appelée zone des trois frontières, est une plaque tournante des échanges commerciaux, mais aussi de trafics. Malabo surveille particulièrement ce territoire où une trentaine d’hommes armés avaient été arrêtés fin 2017, accusés d’avoir tenté un coup d’État contre le Président Teodoro Obiang Nguema. En août 2019, les autorités camerounaises ont été alertées de l’intrusion de militaires équato-guinéens sur leur territoire près de la ville frontalière de Kyé-Ossi.

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Sur plusieurs centaines de mètres, au-delà de la rivière qui matérialise la limite des deux pays, les Camerounais ont constaté le lancement du chantier d’un mur de séparation initié par leur voisin équato-guinéen. La construction devait s’étendre sur 40 kilomètres entre Kyé-Ossi au Cameroun et Campo en Guinée équatoriale. Un mur qualifié par plusieurs observateurs comme Dalvarice Ngoudjou, de «mur de la honte» dans un contexte d’intégration régionale.

«Car ce mur a été considéré, même au-delà du Cameroun, comme un mur de l’apartheid et une grosse provocation venant d’un pays qui a fait du panafricanisme son cheval de bataille», se désole l’analyste.

La Guinée, nouvel Eldorado?

Si, officiellement, la construction de ce mur vise à assurer la sécurité à la frontière de la Guinée équatoriale, dans un récent entretien à Sputnik, le Dr Frédérique Foka, internationaliste et chercheur au centre de recherche A-Priori à Yaoundé, pense que la crainte d’un afflux de réfugiés venant du Cameroun pourrait également expliquer ce projet.

«En réalité, ce qui justifie aujourd’hui cet isolationnisme, c’est l’immigration. Et la Guinée équatoriale, nouvel Eldorado du pétrole depuis quelques années, pense qu’elle va être envahie par les Camerounais», avait-il affirmé.

Depuis que le pays est devenu un Eldorado pétrolier, il suscite la convoitise de ses voisins et attire de nombreux Camerounais qui s’y installent pour bénéficier des retombées économiques de la manne de l’or noir. Une migration massive qui entraîne très souvent l’insécurité et des tensions. Cependant, le projet de Malabo avait provoqué l’indignation dans un contexte sous-régional où la libre circulation des biens et des personnes peine à être effective.

L’accord du 21 juillet de Malabo va-t-il déboucher sur une nouvelle ère dans ce processus d’intégration?

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