La tendance en Occident semble être actuellement aux critiques virulentes contre la Chine, notamment accusée de génocide contre la minorité ouïghoure dans la région du Xinjiang.
Les États-Unis ont franchi un pas supplémentaire en ordonnant ce 21 juillet la fermeture du consulat chinois de Houston (Texas) afin «de protéger la propriété intellectuelle américaine et l’information privée des Américains», comme l’a justifié une porte-parole du Département d’État. «La Convention de Vienne dit que les diplomates doivent respecter les lois et règles du pays hôte et ont le devoir de ne pas s’ingérer dans les affaires internes de cet État», poursuit le communiqué de la diplomatie américaine.
Une «bataille de rhétorique»
Barthélémy Courmont, spécialiste à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) de la stratégie de puissance de la Chine et de la politique étrangère des États-Unis, considère pourtant cette fermeture du cinquième consulat chinois aux États-Unis comme un évènement mineur.
Il rappelle les expulsions passées de diplomates entre les deux pays, «parce qu’on les soupçonnait de se livrer à des activités d’espionnage». Il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences de cette annonce, si elle était réellement appliquée: elle pourrait bien rester à l’état de «bataille de rhétorique», estime le chercheur. Pourtant, cette décision a été suivie de faits, des pompiers de Houston ont été appelés sur les lieux pour des documents brûlés dans la cour du bâtiment chinois.
🇺🇸 FLASH - Les #EtatsUnis ordonnent la fermeture du #consulat de #Chine à #Houston. De nombreux documents non-identifiés placés dans des poubelles dans la cour ont été brûlés. (KTRK) pic.twitter.com/aBziruQNQy
— Conflits (@Conflits_FR) July 22, 2020
Pour Barthélémy Courmont, il est «difficile de prendre position de manière binaire», évoquant des faux-semblants d’un côté comme de l’autre. Cette fermeture serait nécessaire aux yeux des Américains «parce qu’il y a des activités qui ne sont pas des activités diplomatiques menées par ce consulat». Une éventualité qui ne peut être écartée, c’est-à-dire une grande opération d’espionnage et de pillage de données autour de Huawei et de la 5G, mais dont Washington profite «pour capitaliser», selon l’expert.
«Grand marchandage»
Le spécialiste de la Chine replace ainsi cette décision dans un contexte plus global de «Grand Bargain», une «stratégie de grand marchandage» qui se déroule entre les États-Unis et la Chine, notamment depuis l’ère de Barack Obama. S’inscrivant surtout dans le cadre de tensions commerciales, ces deux superpuissances vont «chercher à emmagasiner un maximum de points à leur avantage pour pouvoir avancer sur les négociations».
«Le rapport de forces avec la Chine allant crescendo à l’avantage de la Chine, les États-Unis ne pouvant pas y faire grand-chose. Par conséquent, il est nécessaire d’envisager cette espèce de marchandage, qui porte à la fois sur les questions économiques et commerciales, des questions de leadership ou d’influence dans certaines régions, en particulier en Asie, puis sur des questions beaucoup plus stratégiques, voire militaires […] Dans les faits, on voit bien que depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, il y a une politique chinoise qui ressemble beaucoup à ce “Grand bargain”, c’est-à-dire qu’on va chercher à négocier en permanence avec la Chine, on négocie en essayant de se placer en position de force.»
Quelle réponse de la Chine?
Barthélémy Courmont imagine une mesure de réciprocité de la part de Pékin: ainsi, c’est la fermeture du consulat américain de Wuhan qui semble se profiler.
🇺🇸🇨🇳 Fermeture imposée du consulat 🇨🇳 à Houston, fermeture imposée probable du consulat 🇺🇸 à Wuhan. La spirale d’escalade se poursuit. Chaque pays dispose de 5 consulats (Canton, Shanghai, Shenyang, Chengdu et Wuhan Vs Houston, San Francisco, NYC, Chicago et Los Angeles). pic.twitter.com/WFQHFFxsZE
— Antoine Bondaz (@AntoineBondaz) July 22, 2020
Selon celui-ci, le terme de «provocation» utilisée et cette mesure de réciprocité envisagée sont tout à fait symptomatiques de l’évolution de la diplomatie chinoise, c’est-à-dire que Pékin «ne laisse rien passer du tout». Ce changement important de posture, «la Chine n’accepte plus les critiques», illustrerait le nouveau paradigme géopolitique qui aurait été mis en place depuis deux ou trois ans. Le spécialiste de la Chine rappelle le discours de Xi Jinping lors du 70e anniversaire de la République populaire de Chine à l’automne 2019, durant lequel ce dernier avait déclaré que «la Chine n’accepterait plus qu’on lui donne des leçons» et répondrait du tac au tac à toutes les attaques:
«Autrefois, on critiquait la Chine notamment sur la question de la propriété intellectuelle. Vous retrouvez des textes au début des années 2000, c’est exactement la même chose que ce que l’on voit aujourd’hui comme critiques, elles n’ont pas changé […] Ce qui est très différent, c’est qu’à l’époque, la Chine ne disait rien, elle faisait le dos rond et elle acceptait d’une certaine manière ces critiques. Aujourd’hui, elle ne les accepte plus.»