En Tunisie, des protestataires menacent de bloquer la production pétrolière dans le sud

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Face à la non-satisfaction de leurs revendications sociales par le gouvernement tunisien, les protestataires d’El-Kamour (sud) menacent de bloquer la production pétrolière pour laquelle est connue la région. Une action qui risque de faire monter encore les tensions dans le pays.

En Tunisie, El-Kamour ne décolère pas. Cette région pétrolière du sud du pays avait défrayé la chronique, en 2017, avec des manifestations sociales réclamant travail pour les chômeurs et développement pour toute cette région défavorisée. L’accord, conclu cette même année entre les protestataires et le gouvernement de l’époque, n’ayant manifestement pas été «honoré», l’agitation a repris de plus belle depuis juin 2020.

Le gouvernement a eu beau annoncer de nouvelles mesures en faveur des protestataires, cela n’a pas calmé leur colère car ils les jugent insuffisantes. Ainsi, ils ont décidé de continuer leur sit-in à El-Kamour, en installant leurs tentes près de la station de pompage du pétrole, en plein désert de Tataouine. Ils menacent désormais de fermer l’installation jeudi 16 juillet, si leurs revendications ne sont pas validées par le gouvernement.

«Nous demandons l’application de l’accord de 2017, rien de plus. Nous réclamons notre droit à l’emploi, au développement et à la vie décente. Les jeunes ici sont désespérés et nous avons même enregistré des tentatives de suicide parmi eux. Il faut que le gouvernement réagisse, sinon nous allons continuer à agir fermement», souligne à Sputnik, Noureddine Drozza, membre de la Coordination d’El-Kamour, qui dirige le sit-in.

Une vidéo des sit-inneurs à El-Kamour

2017: l’année où tout a commencé

Les premières protestations d’El-Kamour ont commencé en mars 2017, quand des chômeurs sont sortis défendre leurs droits à l’emploi dans la zone de Ksar Oueld Debbab. Rapidement la vague de protestation a gangé tout le gouvernorat de Tataouine, avant de se déplacer vers la station de pompage du pétrole d’El-Kamour, en plein désert. Le sit-in s’est poursuivi pendant des mois, avec des altercations fréquentes entre forces de l’ordre et protestataires ce qui a provoqué le décès de l’un d’eux , Anouar Sakrafi, le 22 mai 2017.

Finalement, un accord a été signé le 16 juin 2017 entre l’État et les manifestants, avec l’intervention de la puissante centrale syndicale Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) qui s’en est portée garante. Parmi les clauses de l’accord figuraient le recrutement de 1.500 personnes dans les entreprises environnementales et de 1.500 autres dans les sociétés pétrolières du gouvernorat de Tataouine, en plus du financement du fonds de développement et d’investissement dans la région, à hauteur de 80 millions de dinars (25 millions d’euros) annuels.

Cependant, l’accord n’a été appliqué que partiellement. Les protestataires d’El-Kamour ont donc décidé de revenir à la charge, début juin 2020, afin de faire pression sur le gouvernement pour qu’il honore ses engagements. Leurs revendications se résument, désormais, au recrutement de 1.500 personnes dans les sociétés pétrolières et de 500 autres dans les sociétés environnementales, outre le financement du fonds de développement de Tataouine.

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Les manifestants ont donc réinstallé leur sit-in, bloquant plusieurs points de la ville de Tataouine. L’intervention musclée des forces de l’ordre dans la nuit du 20 au 21 juin pour enlever les tentes des sit-inneurs a déclenché une vague de violence et des affrontements entre protestataires et les forces de sécurité, ainsi que des arrestations de sit-inneurs, avant qu’ils ne soient relâchés sous la pression populaire et celle de l’UGTT.

Le gouvernement réagit, mais sans convaincre les protestataires

Pour calmer les esprits, le chef du gouvernement a dirigé le 1er juillet un conseil ministériel consacré à la situation à Tataouine. Un ensemble de mesures a été décidé en faveur des sit-inneurs dont le recrutement de 500 personnes avant la fin de l’année en cours, la facilitation de l’obtention de financements bancaires pour les projets lancés dans le gouvernorat. Le conseil a promis aussi de trouver des solutions pour financer le fond de développement.

Mais ces mesures ont été jugées insuffisantes par les protestants d’El-Kamour, ce qui les a poussés à déplacer le sit-in, de la ville de Tataouine vers la station de pompage du pétrole d’El-Kamour, dans le désert, menaçant de la fermer.

Pourtant, le gouvernement reste optimiste quant à la résolution de la crise dans la région de Tataouine. En témoignent les déclarations de Jawhar ben Mbarek, conseiller auprès du chef du gouvernement et chargé de ce dossier, à la radio Shems fm, le 9 juillet.

Ce dernier a indiqué que «le gouvernement respectera tous ses engagements à l’égard du gouvernorat de Tataouine, dont l’accord d’El-Kamour (…) Le gouvernement annoncera de nouvelles mesures dans ce sens, lors d’un conseil ministériel qui se tiendra au siège du gouvernorat dans les jours à venir»,sans plus de précisions.

Elyès Fakhfakh, le chef du gouvernement, a quant à lui, lors d’une interview donnée le 2 juillet au site d’information Nawaat, présenté des excuses au nom de l’État tunisien à la population de Tataouine pour les dépassements commis par les forces de sécurité à l’égard des manifestants, promettant l’ouverture d’une enquête.

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Mais les représentants du sit-in restent sceptiques quant au sérieux du gouvernement à honorer ses engagements. «Nous avons perdu toute confiance en l’État. C’est pour cela que nous continuerons à employer la manière forte pour obtenir la satisfaction de nos revendications», souligne à Sputnik Noureddine Drozza.

Foued Ghorbali, sociologue et co-auteur d’une étude sur les mouvements sociaux en Tunisie publiée en septembre 2018, déclare «comprendre» la position des manifestants.

«L’État n’a pas réellement les moyens de satisfaire leurs besoins. Il essaye juste d’absorber la colère des protestataires avec des demi-mesures et des promesses, sans proposer de vraies solutions aux problèmes de développement et du chômage dans la région de Tataouine. Car il manque de stratégie et de vision », explique-t-il à Sputnik.

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Cependant, le sociologue indique que les manifestants, pour leur part, ne cherchent pas non plus à réaliser le développement durable de leur région, mais plutôt à avoir leur part des richesses pétrolières de Tataouine, en réclamant leur droit à être employés systématiquement dans les sociétés pétrolières.

Rappelons que les champs de pétrole de Tataouine assurent 40% de la production tunisienne de pétrole et 20% de la production de gaz. Pourtant, ce gouvernorat est en tête en matière de chômage, avec un taux de 32% correspondant à 15.400 chômeurs selon les chiffres de l’Institut national de statistiques (INS).

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