Dans un entretien accordé lundi 13 juillet à la revue française L’Opinion, le Président algérien a estimé que sans la résolution de la question mémorielle, il ne pourrait y avoir «de relations apaisées entre l’Algérie et la France». Il a affirmé que les Algériens souhaitaient juste une reconnaissance de leurs souffrances, précisant qu’il n’était pas question d’indemnisation sauf dans le cas des victimes des essais nucléaires. Tout en saluant le geste du Président Macron, qui a ordonné la restitution de 24 crânes d’éminents résistants du XIXe siècle à la veille du 58e anniversaire de la Fête de l’Indépendance, Abdelmadjid Tebboune a annoncé la création d’une commission bilatérale composée d’historiens pour accomplir ce travail mémoriel des deux côtés.
«L’Algérie est incontournable pour la France et la France l’est pour l’Algérie», a-t-il déclaré, soulignant que même si «la France vient de perdre sa première place de pays fournisseur de l’Algérie», cette situation «n’était pas irréversible».
La question des essais nucléaires
Entre 1960 et 1966, la France a procédé à 57 essais nucléaires atmosphériques dans le Sahara, au sud de l'Algérie. Une carte montrant les sites où ont eu lieu les explosions nucléaires a été publiée en février 2014 par Le Parisien, après sa déclassification en avril 2013, sur ordre du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Cette carte fait état de la propagation du nuage radioactif au-dessus de plusieurs pays africains et même au sud de l'Europe.
Ainsi, abordant cette question, le Président Tebboune a souligné que «les Algériens tiennent beaucoup plus à la reconnaissance de l’État français de ses actes qu’à une compensation matérielle». «La seule compensation envisageable est celle des essais nucléaires», a-t-il ajouté, précisant que «les séquelles sont encore vives pour certaines populations, notamment atteintes de malformations».
Le travail mémoriel engagé
Tout en soulignant que le Président français «connaît bien les événements qui ont marqué notre histoire commune», M.Tebboune a annoncé que «l’historien Benjamin Stora [le plus grand expert français de la colonisation et de la guerre d’Algérie, ndlr] a été nommé pour accomplir ce travail mémoriel du côté français». «Il est sincère et connaît l’Algérie et son histoire, de la période d’occupation jusqu’à aujourd’hui», a-t-il estimé, précisant que «nous allons nommer son homologue algérien dans les 72 heures».
Et d’expliquer que «ces deux personnalités travailleront directement sous notre tutelle respective [des deux Présidents, ndlr]». «Nous souhaitons qu’ils accomplissent leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement pour régler ces problèmes qui enveniment nos relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente», a-t-il espéré.
En effet, tout en rappelant que son pays a connu différentes phases de colonisation: «les Romains y sont restés des siècles. Les Espagnols sont ensuite venus, puis les Turcs au nom du califat [musulman, ndlr] et enfin des Français», le Président algérien a affirmé que l’Algérie «ne se laissera plus caporaliser par quiconque». «Nous sommes aujourd’hui libres et entendons le rester», a-t-il conclu.