Au Québec, une nouvelle déferlante #MoiAussi menace d’emporter le milieu de la variété

© AFP 2024 YOHAN BONNETMaripier Morin au Festival du film francophone d'Angoulême, août 2019 (image d'illustration)
Maripier Morin au Festival du film francophone d'Angoulême, août 2019 (image d'illustration) - Sputnik Afrique
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Une vague de dénonciations d’agressions sexuelles présumées déferle sur la Belle Province. Plusieurs artistes et personnalités célèbres ont publiquement fait leur mea culpa et certains ont vu leurs sources de revenus partir en fumée. Selon Michelle Blanc, experte en médias sociaux, le star-système québécois pourrait «imploser». Entrevue.

En pleine canicule, alors que personne ne semblait s’y attendre, le mouvement #MoiAussi est reparti de plus belle au Québec. La nouvelle vague de #MeToo en anglais ou #BalanceTonPorc en France a pris forme lorsque la chanteuse Safia Nolin a accusé sur Instagram la célèbre actrice Maripier Morin de l’avoir harcelée sexuellement dans un bar de Montréal.

Les faits remonteraient à mai 2018. Selon Mme Nolin, reconnue pour être en faveur de la «diversité corporelle», Mme Morin lui aurait mordu la cuisse et lancé, entre autres, qu’elle avait «l’anus d’une Asiatique». L’actrice est également pointée du doigt pour ses propos jugés racistes. De présumées révélations qui ont rapidement enflammé la toile québécoise.

Le monde culturel et artistique fortement ébranlé

Quelques heures après la sortie remarquée de Safia Nolin, le 8 juillet, Maripier Morin a reconnu les faits et annoncé qu’elle allait prendre une «pause» sur sa page Instagram.

«Dieu sait qu’il m’est arrivé d’en vivre, des situations d’excès et d’abus de la part de certaines personnes. C’est déplorable de réaliser qu’il m’est arrivé d’être l’une de ces personnes ce soir-là», a-t-elle affirmé sur ce réseau social.

Suivant l’exemple de Safia Nolin, des dizaines de femmes se sont mises à dénoncer leurs présumés agresseurs sur divers réseaux sociaux. Sentant le vent du boulet, des chanteurs populaires tels qu’Alex Nevsky ont décidé de prendre les devants et d’avouer publiquement leurs fautes, avant que leurs présumées victimes ne formulent des accusations à leur endroit.

​Quelques jours après la sortie de Safia Nolin, plusieurs entreprises dont Maripier Morin était l’égérie se sont dissociées d’elle, et des compagnies de disque ont congédié certains de leurs chanteurs les plus connus et lucratifs.

Largués par leurs patrons et commanditaires

Selon Michelle Blanc, qui suit l’évolution des réseaux sociaux depuis vingt ans, la nouvelle vague de dénonciation au Québec s’inscrit dans le courant de la «cancel culture» américaine prônée dans des milieux de gauche. Tout récemment, 150 personnalités parmi lesquelles l’auteur J. K. Rowling et l’intellectuel Noam Chomsky ont signé une lettre contre cette «culture de l’annulation» prônant le boycott, voire la destruction de la réputation des gens dont les propos sont vus comme offensants envers une minorité.

«C’est sûr que je comprends le ras-le-bol de certaines femmes. Cela dit, nous sommes rendus dans un autre registre. Ce n’est plus seulement du #Meetoo, c’est, disons, autre chose […] La notion d’agression sexuelle est rendue assez élastique. […] Les gens se font justice eux-mêmes, une tendance qui appartient à la “cancel culture” dans les milieux d’extrême gauche», souligne d’abord Mme Blanc au micro de Sputnik.

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Pourtant, des personnalités associées à la gauche québécoise sont également dénoncées par des voix restées anonymes. Julien Villeneuve, militant de gauche plus connu sous le nom d’«Anarchopanda» est accusé, entre autres, de présumés attouchements sexuels non consentis sur une femme qui avait alors 16 ans, selon le témoignage de la principale intéressée sur Facebook. M. Villeneuve était connu pour ses interventions en faveur du féminisme et de l’abolition des frais de scolarité pour les étudiants à l’université.

Des personnalités de gauche dénoncées publiquement

D’autres personnalités ayant déjà dénoncé le racisme et la «culture du viol» se retrouvent aussi à faire face à ce genre d’accusations en ligne. C’est notamment le cas de Maripier Morin, qui, la veille de ses aveux, disait souhaiter «plus de bienveillance, moins de grossophobie, de maigrophobie, de misogynie, d’homophobie et de racisme» dans la société, toujours via son compte Instagram.

«Maintenant, si tu es belle et que tu es blanche, certains vont prétendre que tu as le “pretty privilege”. Tout le monde devient victime de quelque chose. […] Nous assistons à une démesure de la parole. Le droit de s’exprimer vient aussi avec une responsabilité, sur les réseaux sociaux comme ailleurs. […] Ce qui est dommage, c’est que les grands médias se prêtent à ce jeu», déplore notre expert.

Un peu moins de deux ans après les premières révélations choc sur le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein, le mouvement connaît donc un regain inattendu au Québec, mais sous une forme plus affirmée, qui préoccupe Michelle Blanc, auteur de Médias sociaux 201 (Éd. Logiques, 2011):

«Je suis inquiète des conséquences sociales et humaines. […] Le star-système québécois implose présentement sous les pulsions d’un mouvement idéologique […]. Les milieux parfaits n’existent pas. […] Les personnes qui font l’objet d’accusations et qui souhaitent se défendre doivent faire appel à des équipes multidisciplinaires pour couvrir l’aspect légal et communicationnel. Selon moi, Maripier Morin n’a pas fait appel à des experts avant de passer aux aveux», conclut l’expert en médias sociaux.
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