La première pierre du Centre de données et de stockage numérique situé dans la capitale tchadienne a été posée ce mardi 7 juillet. Le coût du projet ambitieux financé par un partenariat sino-tchadien est estimé à 114 milliards de francs CFA (environ 174 millions d’euros) et figure désormais parmi les cinq programmes prioritaires de l’État.
«Le Tchad accuse un très grand retard»
Depuis 2014, le Tchad est frappé de plein fouet et sur tous les fronts: crise sécuritaire causée par les activités terroristes de Boko Haram, qui a prêté allégeance à Daech*; crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19; et dépendance totale au cours du pétrole. Face à cela, le gouvernement s’est engagé dans une série de prises de décisions et la nouvelle voix numérique qui s’ouvre pour le pays est «une opportunité qu’il ne faut pas rater», estime Jareth Beain, président du Cercle de réflexion et d’orientation sur la soutenabilité de l’économie tchadienne (CROSET) et directeur de publication de la revue Tchad Éco.
«Le Tchad accuse un très grand retard si on le compare aux autres États qui ont un accès au numérique. Le pourcentage de la population qui bénéficie d’une connexion Internet est très bas. La construction de ce Centre de données et de stockage numérique –s’il est mené à bien et correctement cadré– pourrait changer significativement les habitudes économiques du pays.»
Commerce numérique en croissance de 40% en Afrique
Cette initiative est absolument indispensable pour l’économie nationale, explique Jareth Beain, car le Tchad «est toujours à la traîne» par rapport à d’autres pays africains qui vivent pleinement la montée du numérique et peuvent déjà constater des changements économiques évidents:
«Dans le domaine commercial, les transactions du commerce numérique sont estimées dans le monde à 15.000 milliards de dollars par an, et les transactions entre particuliers sont évaluées à 1.000 milliards de dollars par an. Au niveau africain, ce commerce connaît actuellement une croissance rapide avec un taux annuel de 40%.»
Si le projet de centre numérique est mené à bien, il va révolutionner le commerce au Tchad et booster l’économie du pays.
Des changements à tous les niveaux
La réalisation finale du programme pourrait prendre jusqu’à cinq ans, en comptant les années de construction et la mise en place à travers les 12 régions du pays couvertes par le réseau. Jareth Beain estime que le centre sera vraiment rentable sur le plan national et il s’attend à des changements importants à plusieurs niveaux.
«Cela va réellement aider les jeunes à accéder à l’emploi. Maintenant, pour trouver un poste, il faut passer par Internet: les recruteurs internationaux publient leurs annonces sur des sites différents. Au niveau de la santé, cela va aussi révolutionner les habitudes, vous pourrez rester au Tchad et être soigné depuis une plateforme française, américaine, chinoise... Sur le plan de la formation, cela pourrait permettre aux Tchadiens d’accéder à des enseignements de haut niveau et de qualité dans de grandes universités internationales.»
Les autres projets actuels ambitieux au Tchad
Le Tchad est en train de relancer son économie. Et le gouvernement n’arrête pas d’investir dans de multiples projets, à la fois à l’intérieur du pays et aussi avec les États voisins comme le Cameroun.
«Le programme d’infrastructures d’interconnexion électrique concerne le taux d’accès à l’électricité de la population. Celui-ci était estimé à 6-7% en 2019. La semaine dernière, le Tchad, [avec] l’appui de la Banque mondiale, a mis sur pied un projet pour interconnecter le Tchad avec le Cameroun sur le plan de l’électricité.»
N’Djamena s’aventure aussi dans le domaine des énergies renouvelables. Jareth Beain estime que cette initiative écologique pourrait booster le niveau de l’économie nationale.
Un programme de développement des infrastructures routières, afin d’interconnecter les villes du Tchad pour faciliter les échanges commerciaux, est également en cours.
«Un projet de chemin de fer avec le Cameroun est aussi à l’étude. Le Tchad voudrait lancer une ligne qui connecterait le pays avec le Cameroun jusqu’au port de Douala.»
*Organisation terroriste interdite en Russie.