La Maison-Blanche avait prévu d’accueillir le 27 juin un sommet pour la paix entre les Présidents de Serbie et du Kosovo. 21 ans après les bombardements de l’Otan –dirigés par les États-Unis–, qui ont balkanisé… les Balkans, l’objectif était d’essayer de reconstituer une région brisée.
Pourrait-il y avoir un lien entre le timing de ces accusations et la réunion à Washington ou serait-ce une simple coïncidence? Le gouvernement américain a exercé d’importantes pressions sur les deux parties pour qu’elles règlent leurs différends.
Pourquoi Washington s’en soucie-t-il autant –et surtout maintenant? Et pourquoi l’Union européenne, officiellement chargée du processus de négociations, laisse-t-elle aux Américains l’initiative dans cette région? Jacques Hogard, ancien colonel de l’armée de Terre, où il a servi durant 26 ans comme officier parachutiste à la Légion étrangère puis aux Opérations spéciales, revient sur cette période, dont il a été témoin direct:
«Quand j’étais moi-même en mission au Kosovo, nous avons intercepté un soir un véhicule de l’UCK [l’Armée de Libération du Kosovo, ndlr] et nous avons saisi des documents. Ils ont été transmis à la direction du renseignement militaire français. Ils établissaient un certain nombre de mises à mort de responsables albanais modérés, qui ne voulaient pas de rébellion armée au Kosovo, qui voulaient une négociation pacifique avec les autorités de Belgrade, et qui ont donc été condamnés à mort par l’UCK.
Je peux vous dire que nous avons eu de nombreuses occasions de constater les crimes de guerre de l’UCK au Kosovo, dont les Serbes ont été victimes, mais pas seulement les Serbes, également les Roms et les autres minorités. Tous ceux qui étaient hostiles à l’UCK étaient des ennemis de l’UCK, qui leur réservaient des traitements abominables.»
Fondateur d’ÉPÉE, cabinet de diplomatie d’entreprise internationale, et auteur du livre L’Europe est morte à Pristina (Éd. Hugo Document), Jacques Hogard réagit à l’inculpation de Hashim Thaci:
«Il y a de grands délais, comme toujours dans ces tristes affaires. Mais c’est normal, puisque Hashim Thaci est du côté des vainqueurs. C’est la marionnette mise en place par les États-Unis, par l’Otan, pour diriger cette province sécessionniste.
En 21 ans, il a été successivement Premier ministre, chef de la diplomatie, maintenant Président, mais il est aux manettes depuis le démarrage de cette affaire, depuis 1989. Il est passé du statut de chef de groupe terroriste, selon les dires des États-Unis, au statut de chef d’État, entre guillemets.»
Quel serait l’intérêt des États-Unis et de l’Administration Trump de proposer un sommet de paix pour les Balkans? Le colonel Hogard livre son analyse:
«Les États-Unis ont intérêt à avoir un pied-à-terre dans cette partie de l’Europe, sur le plan stratégique. Ils l’ont, puisqu’ils ont installé au Kosovo –qui est un tout petit État, grand comme deux départements français– la première base américaine en Europe, dans la partie sud-est du Kosovo, et ce camp est un véritable porte-avions pour eux.
On dit même qu’un certain nombre de prisonniers d’Afghanistan ont été transférés par biais de ce camp, où ils ont passé quelques jours. C’est une plaque tournante très importante pour eux.»