«Nous attendons de la France qu’elle s’excuse, qu’elle s’excuse inconditionnellement», a exigé le chef de la diplomatie turque en déplacement à Berlin. «Il n’est pas acceptable que la France se prête à de fausses affirmations et agisse contre la Turquie.»
Alors que, du fait de l’hostilité turque en Méditerranée, la France a suspendu ce 1er juillet sa participation à «Sea Guardian», l’opération navale de l’Otan dans cette région, la joute verbale est toujours plus intense entre Paris et Ankara, qui sont désormais en pleine crise diplomatique.
Escalade diplomatique et militaire
Les récentes déclarations d’Emmanuel Macron, qui parle d’«une responsabilité historique et criminelle» de la Turquie en Libye n’ont évidemment pas apaisé ces tensions. Piquée au vif, la Turquie n’a pas tardé à rétorquer avec véhémence:
«La France, que Macron dirige –ou plutôt qu’il n’arrive pas à diriger en ce moment –, ne se trouve [en Libye, ndlr] que pour poursuivre ses intérêts avec une mentalité destructrice», a répliqué le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu.
Ces déclarations particulièrement musclées sont le résultat d’une escalade entre les deux membres de l’Otan, qui ont failli en arriver, mi-juin, à un incident militaire en Méditerranée orientale: une frégate turque a acquis sur son radar de tir une frégate française, le geste précédant immédiatement le tir.
«Des sanctions ont déjà été prises à l’encontre de la Turquie par l’UE, en raison des forages que la Turquie initiait dans la zone économique maritime de Chypre […] et d’autres sanctions peuvent être envisagées», a menacé Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, à l’Assemblée nationale.
Le choix de la France de passer par l’Union européenne pour faire pression sur la Turquie n’est d’ailleurs pas surprenant.
«Si la France choisit de passer par l’UE et non l’Otan pour mettre au pas la Turquie, c’est parce qu’au sein de l’Otan, un grand pays l’en empêche», souligne au micro de Sputnik l’amiral Alain Coldefy, ancien inspecteur général des armées et directeur de la revue Défense nationale.
Une référence aux États-Unis? «C’est vous qui le dites», précise l’amiral, narquois. La question des sanctions à l’égard de la Turquie sera donc le point principal à l’ordre du jour lors de la réunion interministérielle du 13 juillet. Et c’est une stratégie qui pourrait d’ailleurs se révéler plausible:
«La perspective de sanctions européennes à l’égard de la Turquie est un scénario crédible. Maintenant, il convient de les mettre en œuvre pour que cette stratégie fonctionne», prévient Alain Coldefy.
Il appartient désormais à la France de convaincre ses partenaires européens pour que ceux-ci s’engagent avec elle dans cet effort, explique-t-il.
La France empêtrée au sein de l’Otan
Une mission qui s’annonce tout de même compliquée, car depuis plusieurs mois, la France est bien seule en Europe quand il s’agit de critiquer publiquement les actions d’Ankara en Méditerranée orientale, au Proche-Orient ou en Afrique du Nord.
Pour l’amiral Coldefy, si la France est seule à dénoncer avec force ce que certains appellent une forme de néo-ottomanisme, c’est surtout, car elle est la seule à pouvoir tenir tête à la Turquie dans ce rapport de force institué par Ankara:
«La France est la seule puissance nucléaire au sein de l’UE, c’est pour ça que nous sommes les seuls à élever la voix.»
Paris mise donc sur ses partenaires de l’UE, car au sein de l’Otan, le silence sur des événements dont les enjeux sont cruciaux pour la sécurité européenne devient assourdissant.