«Je le dis clairement, je suis en désaccord avec la taxe de 4% sur les dividendes que vous proposez. [Ce serait] réduire notre chance d’attirer des investissements supplémentaires», déclarait le président de la République le 29 juin aux membres de la Convention citoyenne pour le climat, réunis dans les jardins de l’Élysée pour écouter la réponse du chef de l’État à leurs 149 propositions.
Mais l’économie financiarisée est-elle structurellement adaptée aux défis de l’urgence climatique? Invité de l’émission Russeurope Express sur Sputnik, l’économiste Dominique Plihon note une contradiction entre la vision à court terme des investisseurs financiers et l’horizon long de la transition.
«Un trader, ça pollue»
Très investi sur les questions écologiques, mais à l'origine spécialiste de la finance, le membre d’Attac cite une étude co-écrite en 2018 avec sa collègue Sandra Rigot: «Nous avons étudié ce qu’on appelle les “investisseurs institutionnels”, comme par exemple les fonds de pension aux États-Unis. Et nous nous sommes aperçus qu’ils ont une façon de fonctionner qui les rend nécessairement court-termistes.»
Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Dominique Plihon, économiste, professeur émérite à Paris 13 et membre d’Attac, auteur de la note «La planification écologique: une approche institutionnaliste» (revue Les Possibles, avril 2020).
«Le paradoxe incroyable, poursuit Dominique Plihon, réside dans le fait que ces investisseurs gèrent une épargne longue mais qu’ils sont incapables d’avoir des placements qui ne soient pas rentables rapidement.»
Le professeur émérite à Paris 13 juge donc notre système financier «totalement inadapté aux investissements de long terme qu’exige la transition. Ça a un effet catastrophique». Pour conjurer cette «tragédie des horizons», selon l’expression de l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney, Dominique Plihon appelle à renforcer la réglementation et à développer des institutions publiques capables de mener des investissements verts durables: «C’est un rôle que peuvent jouer les fonds souverains ou des acteurs comme la Banque publique d’investissement (Bpifrance), même si elle est encore toute petite et trop prisonnière, paradoxalement, de la logique financière.»
«Il ne faut pas oublier, renchérit Jacques Sapir, que l’économie financière a un coût énergétique très important, du fait de tous les systèmes informatiques par lesquels on cherche à gérer les marchés en temps réel. Un trader, indirectement, ça pollue !»
«Cela pose donc la question de se passer, ou au moins de réduire, les instruments financiers qui tentent de contrôler le présent de façon immédiate», conclut le directeur d’études à l’EHESS. D’où la nécessité, selon les deux économistes, d’une écologie qui ne soit pas qu’incitative mais aussi planifiée démocratiquement.
🔴 «Le court-termisme des acteurs financiers a un effet catastrophique sur la transition écologique»
— Sputnik France (@sputnik_fr) July 2, 2020
L'économiste @DomPlihon d'@Attac_fr est l'invité de @Russeurope Express avec Jacques Sapir.
⬇️ Une émission produite et co-animée par @Cl_Ollivier:https://t.co/JIrSlyV5Gr pic.twitter.com/kWr0SJjBwU
Difficile rupture
Or les pouvoirs publics, regrette Dominique Plihon, «sont aussi court-termistes à bien des égards, pour des raisons électorales ou autres». Il juge donc nécessaire de créer de nouvelles institutions politiques, en plus de celles de la démocratie représentative, qui seraient à même de planifier la transition écologique sur une temporalité plus longue que celle des mandatures traditionnelles.
Mais le militant d’Attac estime que les mesures proposées «ne sont, pour la plupart, pas de nature à créer une rupture avec le système actuel», et met en cause «non pas les participants mais certaines personnes qui ont été désignées pour les encadrer». Une tiédeur que Dominique Plihon va jusqu’à juger «un peu dangereuse: le gouvernement pourrait être tenté de s’en contenter, tout en essayant de récupérer tous les bénéfices politiques.»
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