«À qui profite le crime? Évidemment, plutôt à des pays comme l’Allemagne ou les États-Unis, qui ne veulent pas que nous développions notre électricité nucléaire.»
Contacté par Sputnik, Fabien Bouglé est outré de l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim ce 29 juin. L’auteur de Éoliennes: la face noire de la transition écologique (Éd. du Rocher), souligne l’inanité de cette décision. Selon lui, elle serait même anti-écologique et profiterait à d’autres pays tels que l’Allemagne, parangon de l’électricité charbonnière.
Ce lundi 29 juin à 23h, le réacteur n° 2 de la doyenne des centrales nucléaires françaises a donc été débranché du réseau national, une décision saluée tant par les militants antinucléaires présents sur place que dénoncée par ses salariés et les habitants de la commune.
Ce 29 juin à 23h30, l'arrêt du réacteur 2 de #Fessenheim acte la fermeture définitive de la doyenne du parc #nucléaire français, une retraite plus que méritée. Je me réjouis d'être en compagnie des militants qui se mobilisent depuis plus de 45 ans. @AndreHatz @StopFessenh pic.twitter.com/AWJ0MWvIoA
— Michèle Rivasi 🌍 (@MicheleRivasi) June 29, 2020
Alors que les élections municipales ont été le théâtre d’une prise en main majeure des écologistes dans plusieurs grandes métropoles françaises, Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique, a justifié sur France 2 cette décision prise en 2012 par François Hollande. Rejetant toute «question de lubie ou d’idéologie», celle-ci a expliqué la volonté du gouvernement de réduire la dépendance française à «une seule technologie». Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, lui a emboîté le pas sur BFMTV, assurant que le nucléaire gardait «toute sa pertinence» en France et appelant à ne pas «fragiliser cet atout stratégique».
CO2, la France, meilleur élève?
Jugeant cette «décision scandaleuse», Fabien Bouglé indique que la France est «le meilleur élève» au monde en termes d’électricité décarbonée, qui représente 90% de sa production grâce à ses centrales nucléaires et ses usines hydroélectriques.
«Donc c’est complètement absurde de fermer Fessenheim, dans la mesure où cette usine produisait de l’électricité décarbonée, ce qui a justement pour vocation de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et de sauver la planète dans le cadre de cette transition énergétique.»
Au contraire, la fermeture de cette centrale «entraînera des émissions additionnelles de l’ordre de 10 millions de tonnes de CO2 par an», déclare Valérie Faudon, directrice générale de la Société française d’énergie nucléaire, dans une tribune dans Le Monde. Sans compter, note Fabien Bouglé, sur la proximité de l’Allemagne, qui est «en train d’ouvrir une usine au charbon», émettrice de gaz à effet de serre et de particules fines, pouvant être déplacés en France «par les vents d’Est».
Nos écolos vénèrent l'Allemagne pour sa sortie du nucléaire (-9.6 GW) mais oublient les centrales à charbon/lignite (+9.8 GW) qui vont avec. pic.twitter.com/OEIPiGEMNk
— Nicolas Meilhan (@NicolasMeilhan) September 22, 2017
Bouglé dit ne pas comprendre le combat de ces militants écologistes, «des idéologues complètement détachés de la réalité», à l’encontre de cette source d’énergie.
Insécurité nucléaire, un manquement des politiciens
Deux dangers du nucléaire sont régulièrement présentés, les déchets nucléaires et le risque d’un accident similaire à ceux de Tchernobyl ou de Fukushima. Bouglé évoque le prix Nobel français de physique en 2018, Gérard Mourou, qui a annoncé savoir comment réduire la radioactivité «de plusieurs millions d’années à trente minutes» de ces déchets, au moyen du laser. Optimiste, le militant estime que cette question sera réglée d’ici quelques années. Quant au risque d’explosion, il appelle à des investissements supplémentaires dans la recherche et le développement. Bouglé déplore ainsi le déficit de cadre et d’ingénieurs spécialistes, une situation qui serait encouragée selon lui par certains hommes politiques et qui serait à l’origine de cette «insécurité nucléaire».
«Alors que tous les pays dans le monde, que ce soit les États-Unis, la Chine, la Russie, sont en train de développer leurs capacités en la matière, nous détruisons toute la filière nucléaire et cette destruction peut avoir effectivement des conséquences.»
La fin du nucléaire en France, qui en profiterait?
Évoquant un débat idéologique irrationnel, l’interlocuteur de Sputnik parle aussi géopolitique, affirmant que certaines puissances utilisent l’éolien afin de «détruire notre filière électrique compétitive», peu onéreuse pour mettre en place une électricité issue du mix énergétique –éoliennes et panneaux– dont il évalue le coût entre 120 et 150 milliards d’euros pour le contribuable français.
Sous des «prétextes politiques», il considère que la France se dirige dans une impasse «au service des États-Unis qui n’aiment pas notre nucléaire», et «au service de l’Allemagne qui a intérêt à assurer la compétitivité de son électricité d’origine charbonnière», représentant plus de 30% de la production électrique allemande.
La problématique avait déjà été soulevée par la sénatrice Anne-Catherine Loisier dans une question écrite adressée en décembre 2018 à François de Rugy, alors ministre de la Transition écologique et solidaire. Celle-ci s’était insurgée que certains lobbies allemands se réjouissent de la fin du nucléaire en France «pour assurer la compétitivité de l’électricité d’origine charbonnière». Bouglé y voit ainsi une totale contradiction avec cet objectif affiché de transition énergétique:
«Au nom de l’écologie, on assure le développement d’une électricité extrêmement polluante, le charbon, c’est extrêmement grave. Alors que cette usine pouvait fonctionner encore une vingtaine d’années, qu’elle était totalement amortie, nous n’allons pas bénéficier de cette électricité également productrice d’emplois. La fermeture de Fessenheim va avoir des impacts sociaux extrêmement élevés, on est dans un scandale inacceptable pour notre pays», conclut l’expert.