À quatre mois d’une présidentielle ivoirienne, le 31 octobre 2020, qui s’annonce tendue et à l’issue encore très incertaine, l’ancien Président a jugé bon d’agir pour une «élection sans violence».
Depuis Bruxelles où il réside, il note «une tendance à la généralisation de la violence de tous les scrutins depuis 25 ans» en Côte d’Ivoire et lance un appel au dialogue entre animateurs et acteurs de la vie politique. C’est ce qui ressort d’«une déclaration du Président Laurent Gbagbo» signée par l’ancien Président et son porte-parole.
«Le Président Laurent Gbagbo, qui a fait de la démocratie l’essence de son combat politique, est conscient que ce processus de renforcement de la confiance entre acteurs politiques et le peuple ne peut prospérer que grâce au dialogue permanent. C’est pourquoi il lance cette initiative pour une élection sans violence en 2020», indique un message livré par son porte-parole Justin Katinan Koné.
Pour ce faire, Laurent Gbagbo a chargé Massany Bamba, vice-présidente du FPI, de «constituer une équipe de personnes venant des grandes régions du pays et si possible de toutes les sensibilités politiques pour porter ce message de paix partout en Côte d’Ivoire».
Interrogé par Sputnik, l’analyste politique Innocent Gnelbin voit dans la démarche de l’ancien Président «la volonté de se présenter comme la clé du pardon et de la réconciliation en Côte d’Ivoire». Selon lui, Laurent Gbagbo, pressenti comme candidat de son parti, «sait qu'il doit matérialiser cette posture par des actes et ce avant la présidentielle».
Le parti au pouvoir indifférent à cet appel au dialogue ?
Au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), parti du Président Alassane Ouattara complètement ignoré dans la déclaration de Gbagbo, on semble peu enclin à se prononcer sur cette initiative de l’ancien chef d’État ivoirien.
En effet, joints par Sputnik, plusieurs membres du RHDP n’ont pas souhaité réagir, à l’exception de Joël NGuessan, cadre du parti.
«Que Laurent Gbagbo se repente d’abord des 3.000 morts de la crise postélectorale avant de venir s’inviter dans le jeu politique», lâche-t-il sans détour à Sputnik.
Pour Joël NGuessan, qui a été dans les années 2000 ministre des droits de l’Homme sous Laurent Gbagbo, «le débat politique en Côte d’Ivoire a besoin de s’enrichir de gens nouveaux qui pensent au bien-être des Ivoiriens, pas de ceux qui ont été à la base de tous les malheurs que nous avons connus».
La réconciliation est-elle possible sans Gbagbo?
Joël NGuessan estime que «cette question n’a même pas lieu d’être, car la réconciliation est déjà effective en Côte d’Ivoire».
«Que le Président Gbagbo soit présent ou non en Côte d’Ivoire n’a rien à voir avec la réconciliation des Ivoiriens. Les filles et fils de ce pays se sont déjà réconciliés. Il faut que ceux qui se complaisent à faire croire le contraire se ressaisissent», martèle-t-il.
«De ce qu’il m’est donné de lire et d’entendre, j’ai peur pour la Côte d’Ivoire. J’ai peur que 10 ans après [la crise postélectorale de 2010-2011, ndlr], nous n’ayons pas tourné la page, que nous n’ayons pas tiré les leçons de ce qui est arrivé.»
Acquittés le 15 janvier 2019 par la Cour pénale internationale (CPI) des charges de crimes contre l’humanité (meurtres, viols, autres actes inhumains ou tentatives de meurtre et actes de persécutions) qui auraient été commis lors des violences postélectorales en Côte d’Ivoire entre décembre 2010 et avril 2011, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont libres depuis le 28 mai 2020 de regagner leur pays.
Mais le retour des deux accusés – qui demeurent toutefois dans l’attente d’un éventuel appel de la procureure Fatou Bensouda qui sera examiné du 22 au 24 juin – pourrait s’avérer compliqué, car, ils ont été condamnés par contumace à 20 ans de prison par la justice ivoirienne.