Cameroun: un projet de déboisement d’une forêt suscite l’indignation mondiale

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L’indignation et la colère ne fléchissent pas, quatre mois après l’annonce du gouvernement camerounais du projet de classer les 150.000 hectares de la forêt d’Ebo en zone de production. La mobilisation demeure forte, dans le pays et à l’international, pour défendre cet écosystème de la région du Littoral, jusque là préservé.

Le projet d’exploitation commerciale de la forêt Ebo, un espace boisé encore intact situé dans la région du Littoral camerounais, continue de susciter colère et indignation à travers la planète.

En effet, le 4 février 2020, le ministère camerounais de la Forêt et de la Faune (Minfof) a signé un avis public pour le classement d’une partie de la forêt d’Ebo dans le domaine privé de l’État. Le projet, à terme, est de transformer la zone ciblée en une forêt de production, indique le Minfof. Les 150.000 ha visés seront scindés en deux concessions forestières. Depuis cette annonce, des voix parmi les plus célèbres de la planète comme celle de Leonardo DiCaprio, acteur américain, s’élèvent pour appeler à la préservation de cet écosystème qui abrite de nombreuses espèces animales.

​L’acteur fait également partie des signataires d’une pétition mondiale lancée contre le projet par Greenpeace Afrique, ONG spécialisée dans la défense de la cause environnementale. Comme elle, plusieurs organisations multiplient les actions pour empêcher l’exploitation commerciale de cette forêt afin de protéger les populations autochtones, inquiètes de la destruction de leurs terres.

​Les populations ne décolèrent pas

La pétition de Greenpeace Afrique vient ainsi rejoindre l’appel lancé par des populations de la région du Littoral «pour l’annulation immédiate des plans du gouvernement visant à transformer une zone de près de 150.000 hectares de forêt intacte désignée pour un parc national en deux concessions forestières». Réunies autour du collectif «Les Banen disent non» (communauté locale), elles ont signifié au ministère camerounais des Forêts et de la Faune l’opposition catégorique des peuples autochtones à l’expropriation de la forêt d’Ebo. Dans un communiqué de presse signé le 7 mai 2020 au Palais Dika Akwa de Douala, le collectif appelle en outre à la mobilisation contre l’accaparement des terres ancestrales Banen et contre la destruction de la biodiversité dans les arrondissements de Nitoukou, Yingui, Ndikinimeki et Nord-Makombe par le gouvernement du Cameroun. Il entend ainsi défendre leurs droits inaliénables sur leur patrimoine ancestral et sauvegarder les intérêts des générations futures.

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Réagissant à cette contestation générale, le ministère de la Forêt et de la Faune du Cameroun fait savoir que les deux concessions forestières qu’il souhaite exploiter dans la forêt d’Ebo ne sont ni occupées ni exploitées par les populations de la région concernée.

​Une affirmation que contestent les communautés riveraines de Yabassi, de Yingui, de Ngambé et de Ndikiniméki . Greenpeace Afrique abonde dans ce sens, précisant que plus de 40 communautés gravitent autour de la forêt d’Ebo et en dépendent pour la nourriture, les médicaments et les activités culturelles.

La biodiversité menacée

Dans la même veine, des environnementalistes camerounais comme Pierre Marie Essoh, s’inquiète des conséquences d’une telle initiative. Pour lui, «la lutte contre le déboisement de cette forêt est un combat important.»

«Dans ces forêts, il n’y a pas que les arbres, plein d’animaux y vivent et ces arbres sont d’une importance capitale pour notre écosystème», martèle-t-il à Sputnik. 

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En effet, selon Greenpeace Afrique, Ebo est une zone de forte concentration de biodiversité, qui abrite une population de chimpanzés, ainsi que des «éléphants de forêt, des perroquets gris et d’autres espèces en danger et en voie d’extinction et 12 essences d’arbres inconnues à la science. Cette forêt contient environ 35 millions de tonnes de carbone». Un trésor inestimable qu’on ne saurait laisser détruire, argue Bolivie Wakam, expert en énergie renouvelable et environnement.

«Si l’on a déjà du mal à envisager que des industriels camerounais transforment cette forêt en plantations, peut-on accepter que cette forêt soit désormais vendue pour ensuite être vidée de son bois? Quel sera le bénéfice pour les populations locales lorsqu’on voit ce que sont devenues d’autres zones forestières comme Belabo, Batouri [à l’Est du pays, ndlr], des communes vidées de leur patrimoine forestier?», s’interroge le spécialiste au micro de Sputnik.

Face aux multiples contestations, le Minfofa rétorqué, à la suite d’une rencontre avec les populations autochtones, en avril dernier, que des dispositions seraient prises pour la protection des sites particuliers reconnus comme habitat de la faune sauvage lors de l’élaboration du plan d’aménagement de cette unité forestière. Ceci, conformément à la législation camerounaise, qui rend exécutoires les directives d’inventaire, d’aménagement et de prêt-investissement intégrant les spécificités de la biodiversité pour les forêts de production du domaine forestier permanent du Cameroun. Reste à savoir si cette résolution suffira à convaincre des contestataires.

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