Parti animaliste français: après la pandémie, «on marche sur la tête» avec le traité de libre-échange UE-Mercosur

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Le 2 juin, la motion issue du Parti pour les animaux rejetant le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur a été adoptée à la chambre basse du Parlement néerlandais. La coprésidente du parti animaliste français, Isabelle Dudouet-Bercegeay, explique à Sputnik les conséquences de cette décision.

Après le parlement autrichien en septembre dernier, c’est désormais au tour du parlement néerlandais de rejeter l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Ce 2 juin, la motion du Parti pour les animaux a été adoptée, demandant à son gouvernement de se retirer de ce traité de libre-échange signé en juin 2019.

Sputnik a interrogé Isabelle Dudouet-Bercegeay, cofondatrice et coprésidente du Parti animaliste, qui se félicite de l’adoption de cette motion, tout en restant prudente quant à l’avenir de cet accord. Au-delà des effets sur les importations animales et sur l’environnement, la militante politique de la cause animale s’insurge qu’un tel document puisse être mis en place après une crise sanitaire qui, selon elle, a révélé les failles de la globalisation.

Sputnik France: Comment expliquer ce résultat aux Pays-Bas?

Isabelle Dudouet-Bercegeay: «C’est grâce au Parti néerlandais pour les animaux que cette motion a été déposée afin de rejeter l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Il s’agit évidemment d’une bonne nouvelle, puisque nous savons très bien qu’il y aurait eu un impact extrêmement important sur les animaux et le climat. Cette motion a été adoptée, mais elle n’est malheureusement pas contraignante vis-à-vis du gouvernement néerlandais. Néanmoins, c’est un signal très fort qui est clairement envoyé à l’Union européenne.»

​Sputnik France: Pourquoi êtes-vous opposée à ce traité de libre-échange?

Isabelle Dudouet-Bercegeay: «Ce traité entre l’Union européenne et le Mercosur n’évoque en rien ce qui touche à la protection animale. Quelles que soient les conditions d’élevage, de transport et d’abattage, les viandes pourront être importées en nettement plus grande quantité, puisque l’objectif de ce texte est d’annuler les droits de douane ou de les diminuer de façon substantielle, ce qui va évidemment favoriser l’importation de ce type de viandes et de poissons.

Les normes de l’Union européenne sont déjà beaucoup trop laxistes en ce qui concerne les conditions de transport, d’élevage et d’abattage, mais là cela va être pire. Dans le cadre de l’Union européenne, il y a déjà très longtemps que nous demandons l’interdiction de l’élevage en cage, ce que nous n’avons toujours pas obtenu. Les associations et les partis politiques pour les animaux européens demandent également l’interdiction des transports de plus de huit heures, parce que nous savons très bien que ça a un impact absolument épouvantable sur les animaux. Mais là, ce serait encore pire si ce traité est adopté.»

Sputnik France: En quoi précisément les pays du Mercosur sont-ils plus laxistes sur les normes d’élevage et d’abattage?

Isabelle Dudouet-Bercegeay: «Deux exemples. Il se trouve que le Brésil est le premier exportateur mondial de viande bovine, avec des parcs d’engraissement et des conditions vraiment difficiles pour les bovins, mais également sur les animaux sauvages. Cela provoque une déforestation massive, notamment de l’Amazonie. Qui dit déforestation massive, dit un impact très important sur les animaux sauvages dépossédés de leur habitat. Ce traité favoriserait donc un dérèglement climatique qui a également des effets sur les animaux sauvages, au même titre que les animaux domestiques et évidemment les êtres humains.

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Un autre exemple: la viande chevaline en Argentine et en Uruguay. Il faut savoir que la France importe déjà 80% de viande chevaline d’Amérique du Sud. Or, de nombreux reportages ont démontré des conditions d’élevage, d’abattage et de transports absolument épouvantables. Donc évidemment, avec un tel traité, on augmentera très probablement ces importations, parce que cela coutera moins cher. Au niveau de l’impact sur les animaux, c’est tout à fait catastrophique.

Ce traité favorise également la déforestation massive avec les importations de soja et d’éthanol. Est-ce qu’on avait vraiment besoin de ça? On sait très bien qu’avec plus 1,5 degré, rien ne sera maîtrisé. Aujourd’hui, à environ plus 0,8 degré, nous constatons déjà des conséquences dramatiques.

Dernier point, la crise du Covid-19 a démontré une très grande fragilisation du système de la globalisation. Ce traité signifie un pas de plus, alors que la population s’oppose très clairement de plus en plus à ce type de globalisation à outrance. Ce traité indique qu’il y aurait encore moins de contrôles dans les importations, notamment de contrôles sanitaires, c’est ahurissant. Nous ne sommes pas encore sortis de la crise du Covid-19 et ce traité favoriserait encore moins les contrôles. On marche sur la tête.»

Sputnik France: Dénoncé notamment par le gouvernement français pour la déforestation au Brésil, ce traité a-t-il encore un avenir?

Isabelle Dudouet-Bercegeay: «Nous nous en réjouirions, mais il est encore trop tôt pour tirer cette conclusion. Le parlement autrichien avait déjà voté contre. Mais encore une fois, cette motion n’est pas contraignante pour les Pays-Bas. Nous espérons fortement que le gouvernement néerlandais tienne compte de la représentation et de la population néerlandaise. En outre, nous savons très bien que les populations européennes sont opposées à ce type de traité.

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Un autre problème existe avec ce genre de traités, c’est que seuls les négociateurs connaissent le contenu réel des textes. Nous savons certains éléments, mais il y a de nombreuses autres choses que nous ne connaissons pas, comme le calendrier, le contenu, les conditions. Une très grande opacité règne sur ce traité, ce qui montre qu’on ne peut pas dire que le combat est gagné. C’est une victoire nette du Parlement néerlandais, mais il est important de continuer à mettre la pression.

Au vu des enjeux du monde d’après, je pense que les partis pour les animaux ont un rôle extrêmement important à jouer, notamment sur ce qu’il vient de se passer, mais aussi parce qu’il est urgent d’interdire les pires pratiques d’élevage, de transports et d’abattage. L’Union européenne a de très grands progrès à faire en ce sens, mais il est également urgent dans le même temps de réduire de façon importante notre consommation d’origine animale, viande, poisson, produits laitiers, etc. D’une part pour les conséquences sur les animaux, mais aussi parce que l’impact sur le climat est extrêmement important. Il faut le rappeler, la production de viande est la première source d’émission de gaz à effets de serre.

Dernier point, la sécurité alimentaire. Il existe le risque important de ne plus avoir de quantité suffisante d’alimentation. Or persister aujourd’hui comme on le fait, avec un élevage à outrance et à exporter 40% des animaux d’élevage, ce n’est pas du tout raisonnable. Il est urgent d’arrêter ce gaspillage qui ne peut plus perdurer.»

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