Violences policières, tensions raciales, présidentielle 2020: quel est l’impact politique de la mort de George Floyd?

© REUTERS / Carlos BarriaDes manifestants devant un poste de police à Minneapolis, Minnesota, États-Unis.
Des manifestants devant un poste de police à Minneapolis, Minnesota, États-Unis. - Sputnik Afrique
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L’homicide d’un noir américain par des policiers blancs à Minneapolis a rouvert des plaies mal cicatrisées aux États-Unis. Au point que des émeutes d’une rare violence ont éclaté. Quelles en seront les conséquences sur la Présidentielle de 2020, alors que le pays est encore empêtré dans la crise du coronavirus?
«Tout le monde souffre, c’est pour ça que tout ça arrive. J’en ai assez de voir les hommes noirs mourir», a expliqué le frère de George Floyd sur CNN, avant de lancer un appel au calme: «Je voudrais que les gens soient pacifiques, mais je ne peux pas les forcer, c’est dur.»

C’est presque devenu une constante aux États-Unis: à chaque cycle électoral, même si cela arrive aussi en dehors de ceux-ci, les tensions raciales héritées de siècles d’esclavage refont surface. Cette fois-ci, c’est la mort de George Floyd, quadragénaire noir, étouffé sous le poids de policiers blancs, qui a ravivé les tensions raciales outre-Atlantique. Depuis deux jours, la ville de Minneapolis est le théâtre d’affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, en quête de réponses, de pillages et autres formes de violences.   

Un commissariat de police incendié par des manifestants à Minneapolis

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Un commissariat de police incendié par des manifestants à Minneapolis

«C’est un rappel tragique que ce n’est pas un incident isolé, mais qu’il fait partie d’un cycle d’injustice systématique qui existe encore dans notre pays», s’est indigné Joe Biden, ancien vice-Président américain et candidat démocrate à la présidentielle de novembre.

La vidéo, largement relayée sur les réseaux sociaux, a rappelé à toute l’Amérique, avec une troublante de similitude, l’homicide d’Éric Garner, un noir américain, mort étouffé aux mains de policiers blancs en prononçant les mêmes mots que George Floyd le 25 mai 2020: «je ne peux pas respirer». Le partage en masse de cette arrestation filmée par des riverains a, comme en 2014, largement participé à susciter l’émoi collectif. Et ce, aussi bien aux États-Unis qu’à l’étranger. Le Président turc y est même allé de son tweet, pour condamner la mort de George Floyd.

 «L’approche raciste et fasciste qui a conduit à la mort de George Floyd dans la ville américaine de Minneapolis à la suite de tortures nous a non seulement tous profondément attristés, mais elle est également devenue l’une des manifestations les plus douloureuses de l’ordre injuste auquel nous nous opposons dans le monde entier.»

Des États-Unis divisés sur le plan racial, politique et économique

Au-delà du caractère anecdotique du tweet, celui-ci atteste des proportions prises par cette affaire. Une collecte de fonds a été organisée pour venir en aide à la famille du défunt, récoltant plus de 1,5 million de dollars en seulement quelques jours. L’Onu, par la voix de sa Haute-Commissaire aux droits de l’homme, s’est également positionnée sur le dossier:

Des barricades en feu à Minneapolis le 27 mai 2020 - Sputnik Afrique
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«C’est le dernier d’une longue série de meurtres d’Afro-Américains non armés commis par des policiers américains» et des citoyens, a regretté Michelle Bachelet dans un communiqué, avant d’ajouter «Les autorités américaines doivent prendre des mesures sérieuses pour mettre fin à ces meurtres, et pour s’assurer que justice soit faite lorsqu’ils se produisent.»

En effet, à chaque fois qu’une personne noire meurt aux mains d’un policier blanc, fait relativement fréquent, la gronde au sein de la communauté afro-américaine gagne en intensité. En atteste l’engouement autour du mouvement «Black lives matter» [«les vies noires comptent»]. Huit ans de présidence Obama n’ont pas aidé à apaiser ce sentiment d’injustice, pas plus que près de quatre ans de mandat de Trump.

​Les questions raciales sont toujours très sensibles aux États-Unis et les plaies de l’esclavage, «péché originel» américain, n’ont jamais complètement cicatrisé dans la «terre des Hommes libres». La crise du coronavirus est un exemple parmi d’autres qui met en lumière ces divisions toujours aussi présentes, comme le rappelle Matthew Knott dans une tribune pour le Sydney Morning Herald, dont il est le correspondant nord-américain:

manifestations de Minneapolis, image d'illustration - Sputnik Afrique
Un journaliste de CNN couvrant les manifestations de Minneapolis arrêté en plein direct – vidéo

«La pandémie a exacerbé les inégalités raciales existantes dans le pays: les Noirs américains sont morts en nombre disproportionnés à cause de la Covid-19 et ont été les plus touchés par l’effondrement économique. Et maintenant, la mort de Floyd est le dernier exemple apparent de la brutalité policière qui a déclenché le mouvement Black Lives Matter il y a sept ans.»

À l’approche d’une Présidentielle qui s’annonce électrique en novembre, quelles conséquences politiques cette séquence peut-elle avoir? Celui qui pourrait plus pâtir de cette crise au niveau politique est certainement le Président Trump. Alors que ce dernier fonçait vers la réélection au début de l’année, il a dû gérer une crise sanitaire qui a fait plus de 100.000 morts en trois mois, un chômage record qui a atteint 40 millions de demandeurs d’emploi, des milliers d’avis de défaut de paiement sont envoyés par des locataires qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts et maintenant des émeutes qui réveillent de vieux démons et qui gagnent en intensité.

Contre vents et marées, Donald Trump toujours aussi populaire

Pourtant, les sondages sur la popularité de Donald Trump ont montré que, malgré les crises et les attaques de ses adversaires politiques, celui-ci avait jusqu’ici une farouche capacité à conserver un haut niveau de popularité, notamment grâce à une base électorale ultrasolide. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il semble quasiment impossible de traverser de telles tempêtes politiques sans y laisser quelques plumes, même si l’on s’appelle Donald Trump. Mais cela pourra-t-il faire gagner Joe Biden, vieux dinosaure de l’establishment Démocrate face au businessman Républicain? Rien n’est moins sûr. Surtout lorsqu’on regarde les taux de participation des minorités, fonds de commerce du parti Démocrate, aux élections présidentielles, qui sont largement inférieurs à ceux de la population blanche.

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