Au Sénégal, des morts du Covid-19 non grata dans certains cimetières

© AP Photo / Rebecca BlackwellLe cimetière de Joola à Mbao, au Sénégal.
Le cimetière de Joola à Mbao, au Sénégal. - Sputnik Afrique
S'abonner
La double peine. C’est la sentence pouvant planer désormais sur la tête des personnes décédées du Covid-19 au Sénégal. Fauchées par le virus, certaines d’entre elles courent le risque d’être indésirables dans certains cimetières du pays.

Marié, 40 ans et père de quatre enfants, Moustapha Guèye est décédé du coronavirus à l’hôpital de Pikine en banlieue dakaroise le 27 mai. Son enterrement au cimetière de Diamagueune Sicap-Mbao, sa localité de résidence, devait être une formalité classique –eu égard au respect dû aux morts–, il s’est transformé en un jeu de violences. Des voitures de la Croix-Rouge, des sapeurs-pompiers et du Service d’hygiène qui escortaient le convoi funèbre ont été fortement endommagées. Surtout, il y a eu quatre blessés chez les volontaires de la Croix-Rouge.

Dans la commune de Diamagueune Sicap-Mbao, à une trentaine de kilomètres de Dakar, des images des véhicules attaqués par des jeunes de la localité qui protestaient contre l’enterrement d’un homme mort du coronavirus.

Une femme se recueille devant une tombe à Dakar, Sénégal. - Sputnik Afrique
Au Sénégal, le coronavirus impose un deuil éternel aux familles des expatriés

«Des jeunes et des femmes irresponsables»

Selon Abdou Samath Diouf, un proche de la famille du défunt, toutes les dispositions avaient été pourtant prises pour que l’enterrement se passe sans problème. Le certificat de décès et le permis d’inhumation avaient été fournis par les autorités concernées.

«Ce sont des jeunes d’environ 25 ans, influencés par un groupe de femmes irresponsables [sic] qui avaient décrété que le cimetière ne devait pas accueillir de personnes mortes du coronavirus ou n’habitant pas la commune. Or, Moustapha a grandi et vécu ici. C’est le tracé de l’autoroute à péage et les déplacements de population qui en ont résulté qui l’ont refoulé à moins d’un kilomètre de son ancienne demeure [une frontière physique, sans répercussion administrative puisqu’il reste toujours dans la même localité de Diamagueune Sicap Mbao].»

Le 29 mai, l’agence de presse sénégalaise (APS) révélait que «quatre des instigateurs de cette rébellion ont été interpellés et placés en garde-à-vue par la police de Diamaguène Sicap Mbao .

​Si Moustapha Guèye a pu être enterré en force par ses parents, il n’en a pas été de même pour une autre victime du coronavirus, le 26 mai dernier. Acheminé au cimetière de Malika (banlieue dakaroise) par une voiture des sapeurs-pompiers, le corps de cet individu à l’identité non dévoilée n’a pu en franchir le seuil. Les populations, massées devant le portail, ont fait bloc pour s’y opposer, avec l’appui de notables traditionnels et musulmans de cette localité où «règne» la confrérie des Layènes.

La gendarmerie, appelée en renfort, n’a rien pu faire, certainement pour éviter des affrontements. La dépouille de l’homme a été retournée à l’hôpital principal. Choquée, la famille en deuil a qualifié de «vandalisme» le comportement des populations, rapporte Emedia.

Pour justifier cette interdiction, un fils du khalife général des Layènes a indiqué sur des radios locales que l’individu décédé ne résidait pas dans la commune «où aucun cas de coronavirus n’existe». Si le lieu de résidence habituel du défunt n’a pas été révélé par Emedia, aucune loi au Sénégal ne conditionne l’enterrement dans un cimetière donné à l’obligation de résider effectivement dans la commune du lieu d’inhumation.

«L’État doit faire appliquer la loi sinon…»

La stigmatisation des individus vivant avec le virus est également de rigueur à Bambey (environ 130 km de Dakar). Des jeunes ont violemment protesté contre l’installation de centres de traitement pour personnes asymptomatiques. Selon eux, la localité ne saurait accepter des cas importés de Covid-19 alors qu’elle faisait partie jusqu’ici des 22 départements du pays n’ayant aucun cas de coronavirus. L’État doit-il laisser faire ?

« Si l’État ne fait pas appliquer la loi, ce sont les populations ou des groupes de citoyens qui vont appliquer leurs propres lois», avertit Abdou Samath Diouf.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала