Retrait américain du traité Ciel ouvert: «tout est désormais dirigé vers la Chine»

© AFP 2024 SAUL LOEBDonal Trump à la Maison-Blanche en janvier 2020.
Donal Trump à la Maison-Blanche en janvier 2020. - Sputnik Afrique
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Les États-Unis ont annoncé leur retrait unilatéral du traité Ciel ouvert, qui garantit aux signataires une surveillance aérienne mutuelle afin de préserver les équilibres géostratégiques. Le général Jean-Claude Allard, spécialiste des questions de défense et de sécurité, se penche sur les conséquences de cette démarche.

Les États-Unis, première puissance militaire au monde, se sont retirés du traité Ciel ouvert le 21 mai. Ce retrait, qui sera effectif dans six mois, représente une énième preuve de l’hostilité de Trump aux équilibres géostratégiques en place depuis la fin du XXe siècle. Le Président américain accuse la Russie, sans fournir de preuves concrètes à l’appui, de ne pas respecter ce traité, mis en place en 2002.  

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Cet accord, dont est signataire la Russie, la plupart des pays européens, et jusqu’à présent les États-Unis, permet à ces pays d’effectuer des vols d’observation au-dessus de leurs territoires respectifs. En effet, chacun bénéficie d’un quota de survols des territoires des autres pays signataires à l’aide d’avions équipés d’appareils photographiques et autres systèmes d’observation, avec l’obligation de laisser les autres pays survoler son territoire aux mêmes conditions.

​Une décision qui a été condamnée presque à l’unanimité par les signataires, mais également aux États-Unis. «C’est complètement fou» a tweeté Michael Hayden, général quatre étoiles à la retraite, qui a servi comme directeur de l’agence nationale de sécurité, et ancien directeur de la CIA durant la présidence de George W. Bush.

​Après le retrait américain du traité FNI (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire) en février 2019, ce nouveau retrait semble démontrer un peu plus la réticence de Washington vis-à-vis du multilatéralisme.

Afin de mieux saisir les enjeux liés à cet énième retrait d’un accord international par Donald Trump, Sputnik a tendu son micro au Général Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), et auteur de nombreuses études internes au ministère de la Défense.

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Jean-Claude Allard: «Ce retrait s’inscrit dans la même logique que le retrait du traité FNI, voire du traité New Start, qui prend fin en 2021. Cela doit permettre aux États-Unis de remonter en puissance pour faire face à la Chine. Je crois effectivement que derrière ces retraits, il y a une vision particulière des États-Unis, qui ont réorienté leurs actions vers la Chine.»

Sputnik France: Ce retrait ne met-il pas un peu plus en péril le multilatéralisme?

Jean-Claude Allard: «Il faut croire que oui. Encore que, si l’on regarde au plan très large, la manière dont Donald Trump secoue les relations internationales, il n’est pas exclu qu’en fait, il veuille simplement le modifier pour en changer certains des termes et retrouver plus d’influence de la part des États-Unis.

Ce que je ferais remarquer, c’est qu’à partir des années 90, les oppositions bipolaires se sont terminées et nous sommes rentrés dans un multilatéralisme dominé par les États-Unis. Pour reprendre les mots d’Hubert Vedrine, les États-Unis étaient une “hyperpuissance”, donc on ne voit pas très bien où était le multilatéralisme à ce moment-là non plus. Paradoxalement, il y en a peut-être plus maintenant qu’avant.»

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Jean-Claude Allard: «En tout état de cause, il cherche à les modifier et à les réorienter. L’opposition entre États-Unis et URSS est dépassée. C’est maintenant avec la Chine que s’est établie une réelle rivalité. On le voit avec la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine depuis plus de deux ans, les attaques sur l’origine du coronavirus, sur la liberté de circulation en mer de Chine: tout est désormais dirigé vers la Chine.

Donc, ce retrait des accords internationaux est peut-être aussi inscrit dans cette stratégie de Trump, que j’aime résumer en reprenant le titre d’un de ses livres, à savoir “Thing big, kick ass” (littéralement “Voir grand et botter les fesses”). Donc je crois qu’il cherche à bousculer l’ordre international pour ensuite le reconstruire dans une relation Chine–États-Unis beaucoup plus maîtrisée.»

Sputnik France: Donald Trump parle d’un possible nouveau traité tripartite avec la Russie et la Chine, un scénario crédible, selon vous?

Jean-Claude Allard: «Oui, et je pense que cela suit l’argument développé précédemment. Cette logique de réorientation vers la Chine était déjà adoptée sous la présidence Obama. Les documents stratégiques des États-Unis sont très clairement réorientés depuis une dizaine d’années vers l’empire du Milieu, qui est passé de pire compétiteur à adversaire très marqué. Donc, ce que veulent les États-Unis est soit d’équilibrer, soit de rééquilibrer les relations internationales et donc arriver à inclure la Chine dans ces traités internationaux.»

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