Dans une tribune publiée lundi 25 mai dans la revue La Règle du jeu, intitulée «63 plaintes? Pitié pour la République» [il y en a désormais 71, ndlr], Bernard-Henri Lévy estime ces attaques en justice «profondément antirépublicaines», et qu’il n’y a pas lieu d’attaquer ainsi le gouvernement pour sa gestion de la crise du coronavirus.
Le philosophe revient d’abord sur l’affaire du sang contaminé qui a débuté dans les années 1980, dans laquelle le Premier ministre de l’époque, Laurent Fabius, a été attaqué à la suite d’infections par transfusion sanguine alors que l’épidémie du sida faisait son apparition. «Car ce que l’on condamnait en ce temps-là […] c’était d’avoir su et tu», écrit-il.
Il indique que les plaintes actuelles s’opposent à un gouvernement qui a bien davantage communiqué, essayé une théorie, changé de stratégie. «De ne pas s’être tu du tout – et, en même temps, de n’avoir pas su», résume-t-il.
La menace d’un régime autoritaire
«Il fut un temps où l’on reprochait au pouvoir d’avoir la main lourde et de procéder par abus de pouvoir», poursuit-t-il en évoquant les Gilets jaunes, «là, on lui reproche d’avoir la tête légère et d’être en défaut de puissance». L’écrivain affirme ici que les plaintifs réclament en réalité un État plus autoritaire, qui décide de tout, plus proche d’une dictature, et répond que justement «la démocratie repose sur la limitation du rôle de l’État».
Il affirme dès lors que «ces poseurs de plaintes sont autant de poseurs de bombes placées aux fondements de la République», et craint que cela puisse mener au pouvoir des «hommes forts» qui risquent de nuire à «cet équilibre fragile et instable qu’on appelle une démocratie».
Les plaintes contre le gouvernement
Depuis le début du confinement, à la mi-mars, la Cour de justice de la République, seul organe compétent pour juger les actes du gouvernement, a reçu 71 plaintes contre des ministres en fonction, a révélé le Journal du dimanche (JDD) samedi 23 mai. Celles-ci visent en particulier Édouard Philippe, seul responsable pénal pour l’ensemble des actions du gouvernement, sachant qu’Emmanuel Macron est protégé par une immunité de principe liée à sa fonction.
Quelques plaintes visent également Agnès Buzyn et Olivier Véran du ministère de la Santé, d’autres encore concernent, dans une moindre mesure, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, Christophe Castaner (Intérieur) et Muriel Pénicaud (Travail). D’autres procédures ont également été recueillies par les parquets territoriaux, précise le JDD.
«Beaucoup de plaintes ne sont pas crédibles», affirme auprès du journal Me Hervé Banbanaste, représentant d’une candidate lyonnaise aux municipales infectée par le coronavirus qui a déposé une plainte contre M.Castaner. «Mais beaucoup d'autres, longues de dizaines de pages et rédigées par des avocats, comportent des motifs étayés». Nombre d’entre elles se basent sur l’article 227-3 du Code pénal, lequel sanctionne l’«abstention volontaire» des ministres de prendre des mesures. Les magistrats devraient y donner suite «courant juin».