Exonérations de charges et «vieille idée de De Gaulle», le gouvernement en fait-il assez pour sauver les entreprises?

© AP Photo / Francois MoriGérald Darmanin
Gérald Darmanin - Sputnik Afrique
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Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, a annoncé de nouvelles mesures de soutien aux entreprises, notamment trois milliards d’euros d’exonération de charges sociales pour celles évoluant dans des secteurs fortement touchés par la crise. Suffisant? Philippe Béchade, président des Éconoclastes, livre son analyse à Sputnik.

Preuve de l’impact considérable que la crise du coronavirus aura et a déjà sur l’économie française, le gouvernement a de nouveau décidé de mettre la main à la poche. C’est Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, qui s’est chargé de l’annonce lors de l’émission Le Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI.

​Les nouvelles mesures représentent «trois milliards d’annulations de charges décidées par le Président de la République, dans les secteurs du tourisme, des arts et spectacles, de la restauration, de l’hôtellerie, de la culture, du sport, et pour tous ceux qui ont vu reporter leurs charges, l’étalement sur 36 mois», a expliqué Gérald Darmanin.

Une reprise d’activité difficile pour beaucoup d’entreprises?

La décision du gouvernement va dans le bon sens pour Philippe Béchade, président des Éconoclastes:

«L’exonération de charges patronales semble tout de même logique pour des entreprises qui ont vu leur activité cesser du fait d’une décision administrative, je pense notamment à celles évoluant dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration, de l’événementiel ou les salons de coiffure. Elles ont totalement été privées de chiffre d’affaires pendant plusieurs semaines.»

Bercy a précisé que ce nouveau geste de soutien concerne «les entreprises à qui l’État a demandé de fermer ou dont l’activité a été fortement empêchée, comme les restaurants, les hôtels ou les coiffeurs».

«Les petites entreprises (jusqu’à 250 salariés pour les secteurs tourisme, hôtellerie, culture, événementiel et jusqu’à 10 salariés pour ceux fermés jusqu’au 11 mai comme les coiffeurs) de ces secteurs auront droit à une exonération de charges patronales pour la période durant laquelle ils ont été obligés de fermer», a notamment détaillé le ministère.

La période concernée est de quatre mois pour les secteurs du tourisme, de l’événementiel, de la restauration ou de l’hôtellerie. Concernant ceux qui, comme les coiffeurs, ont pu rouvrir le 12 mai, elle sera de trois mois.

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Concernant les entreprises de moins de 10 salariés ayant fait l’objet d’une fermeture administrative depuis le 15 mars, l’exécutif avait déjà pris la décision d’annuler leurs charges. De plus, «toutes les autres entreprises pourront bénéficier d’étalement long, jusqu’à 36 mois, pour payer les charges qui avaient été reportées», ajoute Bercy.

«Les annonces de report de charges sont en revanche plus sujettes à débat. Certains y verront le verre à moitié plein quand d’autres seront plus pessimistes. Reporter, c’est bien, mais cela ne résoudra pas les difficultés des entreprises concernées. D’autant plus que beaucoup n’ont pas encore été autorisées à reprendre leur activité. D’ici quelques mois, l’État pourrait très bien se mettre à redemander de l’argent à des entreprises en très grande difficulté», analyse Philippe Béchade. 

Depuis la date du 15 mars, les entreprises en difficulté avaient la possibilité de décaler de trois mois la date de paiement des cotisations sociales, et ce, sans pénalité. Le dispositif a sans surprise rencontré un vif succès. Début mai, les reports atteignaient 17 milliards d’euros, selon Gérald Darmanin. Un bilan provisoire qui concerne les cotisations sociales des régimes général, agricole et Agirc-Arcco.

«Sur les 450 milliards d’euros mis sur la table, 300 sont destinés à des prêts garantis par l’État et par définition, même si c’est peu probable, il pourrait ne pas s’en faire rembourser une partie non négligeable. Et il est prêt à composer avec une telle situation. Maintenant, il faut mettre ces chiffres en rapport avec les 17 milliards d’euros de charges reportées. Pourquoi ne pas tout simplement les annuler afin d’aider les entreprises en difficulté? Il me semble que l’État devrait faire une croix dessus», déclare Philippe Béchade.

Le président des Éconoclastes rappelle également que de nombreuses entreprises mettront un certain temps à retrouver une activité normale, ce qui aura une incidence sur leurs performances:

«Le business model de beaucoup d’entreprises ne peut pas fonctionner tant que les gestes barrières, la distanciation sociale et les mesures de sécurité visant à empêcher la propagation du Covid-19 seront en place. Quand les restaurateurs vont rouvrir, ils ne pourront pas le faire à pleine capacité. Ils ne pourront pas remplir leurs salles et leurs terrasses. Sans parler des magasins où l’on fait rentrer les clients au compte-gouttes. Un tel contexte pose la question de la rentabilité pour ces entreprises.»

Ces nouvelles exonérations de charges, pour un montant de trois milliards d’euros, qui devraient concerner environ 500.000 entreprises, viennent s’ajouter à tout ce qui a déjà été décidé ces dernières semaines par le gouvernement afin de soutenir les entreprises françaises. Pêle-mêle, ont été mis en place un fonds de solidarité, des prêts garantis par l’État et un généreux dispositif de chômage partiel. Selon Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, le montant total des aides déployées atteint 450 milliards d’euros.

​Une telle somme pose la question de l’augmentation de la dette publique française qui évoluait déjà autour des 100% du Produit intérieur brut (PIB) avant la crise du coronavirus. Gérald Darmanin a prévenu qu’elle devrait «sans doute» dépasser le seuil des 115% du PIB, sans toutefois se risquer à donner une estimation précise. Le ministre juge que «ce sont des choses trop importantes pour pouvoir faire des commentaires avec le doigt mouillé».

Il a cependant reconnu une certaine inquiétude:

«Ce qui est certain, c’est que nous avons choisi l’endettement, qui est préoccupant, contre la faillite, qui aurait été désastreuse.»

Avec quel financement rembourser? Pas avec une nouvelle hausse d’impôts, qui «découragerait les entreprises, les salariés à consommer, à investir», d’après Gérald Darmanin.

​Reste la possibilité de réduire les dépenses. Compliqué, estime le ministre des Comptes publics «au moment où il faut faire un plan-hôpital et revaloriser les infirmiers, les infirmières, au moment où il faut soutenir l’économie». «Ce ne serait pas raisonnable», a-t-il ajouté.

«La vieille idée du général de Gaulle»

C’est plutôt vers une «troisième voie» que se dirigerait le gouvernement, qui souhaite faire «confiance aux acteurs économiques et la croissance crée la richesse qui permet de rembourser cette dette», selon Gérard Darmanin.

Un discours qui relève du «vœu pieux» pour Philippe Béchade:

«C’est comme d’habitude. Aux États-Unis, Donald Trump est coutumier de ce genre de réflexion, qui veut que ses réformes s’autofinancent par la création de richesse qu’elles sont censées générer. Chez nous, plusieurs économistes font actuellement pression sur Bercy afin que le ministère étudie une baisse temporaire de la TVA, sur le modèle de ce qui s’était fait au Royaume-Uni à la fin des années 2000 pour relancer la consommation et lutter contre la crise économique. Un tel projet n’a aucune garantie de succès.»

Gérald Darmanin a également proposé de généraliser les dispositifs d’intéressement et de participation salariale à l’ensemble des entreprises. D’après le ministre, il s’agit de «la vieille idée du général de Gaulle» et il la trouve formidable: «Ça a d’énormes avantages, ça réconcilie le capital de travail.»

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