Au moins temporairement, La République en Marche ne règne plus sans partage sur l’Assemblée nationale. La création d’un neuvième groupe parlementaire, baptisé «Écologie, Démocratie, Solidarité» (EDS), fait passer le groupe LREM et apparentés en dessous de la barre de 289 députés: pointant à 288 parlementaires, il perd la majorité absolue dans l’hémicycle.
Le nouveau groupe, essentiellement composé de l’aile gauche du parti présidentiel, est en désaccord avec les politiques de l’exécutif, qui penchent plutôt à droite. Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot et coprésident de «Écologie, Démocratie, Solidarité», avec l’ex-LREM Paula Forteza, évoquent en conférence de presse un «groupe indépendant, pas un groupe d’opposition, mais un groupe positif». Cédric Villani, candidat LREM dissident à la mairie de Paris et Delphine Batho, ex-ministre PS à l’écologie figurent également au tableau de chasse d’EDS.
3 mots, 3 impératifs majeurs, 3 priorités indissociables.
— Matthieu ORPHELIN (@M_Orphelin) May 19, 2020
Avec cette crise du Covid19, il nous faut dépasser les clivages et les postures, et construire collectivement le monde d’après. #EDS, que nous créons aujourd'hui, sera un groupe de propositions, de coalition, d'innovation pic.twitter.com/Pc4Bg56AlF
Le parti présidentiel pourrait toutefois récupérer cette majorité absolue dès la fin mai. Olivier Gaillard, élu ex-LREM, devrait quitter l’Assemblée nationale pour devenir maire d’ici la fin du mois, et sa suppléante pourrait rentrer dans les rangs de LREM, ce qui lui rendrait sa domination sans partage.
Le Modem se frotte les mains
«Il y a un effet de symbolique. La création de ce groupe, qui fait perdre la majorité absolue qu’avait au départ LREM, est un signe de plus des problèmes de légitimité qu’affronte le gouvernement. Mais cela ne change pas la situation structurelle du parlement, au contraire, ça la démontre.»
Il est vrai que du fait de la proximité du parti présidentiel avec le Modem, le gouvernement pourra toujours légiférer sans grande compromission vis-à-vis de l’opposition. Et ce, du fait d’un parlementarisme de façade.
«L’exécutif continuera d’avoir une majorité en s’appuyant un peu plus sur le Modem, qui aura juste un peu plus de poids, mais cela ne donnera pas plus de poids aux propositions des oppositions. On n’aura pas un véritable pouvoir parlementaire, mais plutôt une majorité légèrement plus équilibrée. Nous sommes dans un système où, structurellement, le poids du parlement est extrêmement réduit», explique Yves Sintomer. Pour lui, «on a un parlement qui est un parlement croupion, et qui, en dehors des périodes de cohabitation, n’a pas de véritable poids.»
Les grands gagnants semblent donc être les élus du Modem. Alliés indéfectibles de Macron depuis 2017, ceux-ci deviennent désormais indispensables à la majorité, qui devra donc composer avec ce groupe. Pas de grands changements à venir donc du côté de l’hémicycle, d’autant que «Écologie, Démocratie, Solidarité» ne s’inscrit pas dans une opposition marquée, car comme l’explique Matthieu Orphelin, ce nouveau groupe «sera un groupe de propositions, de coalition, d’innovation politique.»
LREM toujours moins crédible
«Il est vrai qu’en quelques années, le Président et son gouvernement ont perdu une large part de leur crédibilité en faisait une politique souvent d’affichage et pas d’action efficace. On l’a vu notamment dans la réponse à la crise sanitaire du coronavirus.
Mais aussi parce qu’il y a un choix stratégique qui a été fait, à savoir déporter sur la droite le macronisme, avec des calculs assez compliqués qui établissaient que le principal danger viendrait de la droite et pas de la gauche. Donc, il me semble que ce sont des raisons conjoncturelles qui font que ce terrain centriste n’a pas pu tenir sur la durée de façon aussi dynamique qu’il a pu le faire au moment de l’élection de Macron.»