Les médias tchadiens interpellent le pouvoir, l’aide à la presse sur le plan de contingence «aurait été détournée»

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Les éditeurs de la presse tchadienne réclament un soutien de la part du gouvernement face à la pandémie. L’aide annuelle à la presse n’est pas tombée depuis 2015 et la somme de 300 millions de francs CFA sur le plan de contingence 2020 n’a pas été touchée, explique en détails à Sputnik Allahondoum Juda, président du patronat de la presse du Tchad.

Les éditeurs de la presse tchadienne à l’instar de leurs collègues des chaînes privées de télévision et de l’Union des radios privées réclament une aide financière et sanitaire de la part du gouvernement pour continuer à couvrir la pandémie en toute sécurité, dans le cas contraire ils menacent de suspendre toute activité sur l’ensemble du territoire.

La somme de 300 millions pour la presse «aurait été détournée»

Ce n’est pas la première fois que les médias tchadiens s’adressent au pouvoir et suspendent leur travail. Le pays a ainsi vécu par le passé des journées sans presse, sans radio ni télévision, et même des semaines sans journaux, toujours en réaction à l’absence du financement prévu. Allahondoum Juda, président du patronat de la presse du Tchad, a pu constater de ses propres yeux qu’il existait une enveloppe dédiée aux médias mais qu’elle restait bloquée pour des raisons qu’il connaît:

«J’ai participé à l’élaboration du budget, j’ai été consulté pour présenter les listes des organes de presse, donc j’ai bien vu cette somme, sur 15 milliards [de francs CFA, ndlr] pour le plan de contingence il y avait une enveloppe de plus de 300 millions [de francs CFA, ndlr] pour la presse, qui devrait être débloquée mais cela n’est pas arrivé et selon nos informations cette somme aurait été déjà détournée».

Allahondoum Juda constate que l’aide annuelle à la presse n’a pas été versée depuis 2015, sauf une aide exceptionnelle en août dernier, suite à la manifestation la réclamant au pouvoir. D’habitude, une enveloppe de 150 millions de francs CFA était à répartir entre tous les médias qui étaient près de 40 à l’époque, mais aujourd’hui ils sont plus de 70, ce qui a obligé l’année dernière à demander une augmentation de l’enveloppe, qui ne leur est toujours pas parvenu, relate le patron de la presse tchadienne.

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Tous les médias privés à l’arrêt

Les responsables du Patronat de la Presse Tchadienne (PPT), de l’Association des Éditeurs de la presse privée du Tchad (AEPT), et de la Convention des Entrepreneurs de la Presse Privée du Tchad (CEPPT) se sont réunis à N’Djamena, en remettant à la sortie un communiqué adressé au gouvernement. S’ils ne sont pas entendus, un scénario où tous les médias privés se mettraient à l’arrêt est possible, avoue Allahondoum Juda.

«Nous pouvons arriver à une cessation d’activité, si le gouvernement et le Comité d’urgence pour la lutte contre la pandémie de coronavirus ne réagissent pas aux préoccupations des médias, les médias estiment que durant cette période ils accomplissent un travail énorme ce qui impacte directement sur leurs budgets, donc il faut que le gouvernement puisse les soutenir. Car il y a un fond qui est alloué pour le plan de contingence, donc il faudra débloquer ce fond».
© PPTComminiqué conjoint des éditeurs de la presse du Tchad adressé au gouvernement.
Les médias tchadiens interpellent le pouvoir, l’aide à la presse sur le plan de contingence «aurait été détournée»  - Sputnik Afrique
Comminiqué conjoint des éditeurs de la presse du Tchad adressé au gouvernement.

Les journalistes exposés au danger

Pour le moment, il n’y a aucun cas de contamination parmi les journalistes, confirme Allahondoum Juda, mais d’après lui, ils ne sont pas protégés, ils n’ont pas le matériel qu’il faut, il n’y a même pas de désinfectant pour les locaux, tout cela expose de plus en plus les journalistes au danger, ce qui fait partie de la réclamation adressée au pouvoir. Le président du PPT martèle que les prises de positions politiques pèsent plus que l’intérêt national:

«Si vous regardez le paysage médiatique tchadien, 70% des organes de presse peignent en noir la gouvernance en place, donc il est souvent difficile pour le pouvoir de les soutenir. Mais là, nous sommes dans une urgence sanitaire et cela concerne tout le monde, et je pense que le gouvernement doit faire en sorte que les journaux continuent à faire leur travail de sensibilisation».

«Le seul moyen efficace d’atteindre toute la population»

La sensibilisation au travers de la radio privée est extrêmement importante au Tchad, selon la Banque Africaine de Développement, seuls 40% des Tchadiens savent lire et écrire. Allahondoum Juda explique pourquoi les médias privés sont en première ligne dans la lutte contre la pandémie:

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«Nous sommes dans un pays majoritairement analphabète et si le message ne passe pas à la radio, comment les gens seront informés des mesures prises et des gestes barrières qui pourront limiter la pandémie? Ce seul moyen efficace d’atteindre toute la population c’est la radio privée, locale dans les villages et des journaux locaux, puisque la radio nationale aussi bien que la télévision nationale ne sont pas suivies sur l’ensemble du territoire».

Les éditeurs de la presse tchadienne attendent la réponse du gouvernement.  Allahondoum Juda souligne qu’un scénario positif est aussi probable:

«C’est possible qu’il y ait un rapprochement. Le premier Comité de Veille a été remplacé par le Comité d’urgence pour la lutte contre la pandémie du coronavirus, donc ils pourront, je l’espère, dans les jours qui suivent rencontrer la presse. À la fin de cette semaine, nous allons faire l’évaluation de notre communiqué et si des décisions sont à prendre, nous allons le faire».
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