Face au coronavirus, la population suédoise est proportionnellement plus durement frappée que celle des États-Unis. Un constat rapide à établir, qui pourrait en étonner plus d’un alors que, depuis un mois, on ne cesse présenter dans les médias le pays de l’Oncle Sam comme «le plus touché» de la planète.
D’ailleurs, toujours au jeu des statistiques, les États-Unis s’en tirent pour l’heure moins mal que la France, avec un ratio de décès pour 100.000 habitants près de deux fois inférieur (25,17 contre 40,30 dans l’Hexagone), d’après les statistiques compilées par le Coronavirus resource center de l’université Johns-Hopkins (JHU). On remarquera qu’avec un ratio de 32,53 décès pour 100.000 habitants, que la Suède semble également mieux s’en sortir que la France et d’autres pays européens, dont la population a particulièrement été mise à l’épreuve par le SARS-CoV-2. Par ordre décroissant, la Belgique (76,70), l’Espagne (57,62) dont le confinement est réputé pour sa rigueur, l’Italie (51,15), le Royaume-Uni (49,28), qui a tardé à confiner, affichent tous un radio de décès pour 100.000 habitants supérieur à celui du royaume suédois. Mais ces chiffres font-ils pour autant de la Suède un exemple?
En effet, durant des semaines, le pays a défrayé la chronique pour sa décision de ne pas confiner sa population, tantôt dépeint comme le «mouton noir» européen, tantôt comme un exemple dont ses voisins devraient s’inspirer. Si les étudiants des lycées et des universités suivent leurs cours à distance, que les rassemblements de plus de 50 personnes ont été interdits, les écoles et restaurants sont restés ouverts.
Néanmoins, la plupart des journalistes s’accordent sur la nécessité de garder la tête froide, rappelant notamment la faible population du pays. D’ailleurs, le ratio présenté par la JHU pour la Suède en avoisine un autre, celui des Pays-Bas (32,09). Ces derniers font également figure d’exception en Europe, en ayant opté pour un «confinement intelligent», non restreignant des libertés individuelles, optant ainsi pour le principe d’immunité collective.
Un écart significatif qui a poussé la ministre de la Santé suédoise, Lena Hallengren, sur la défensive. Elle a d’abord fait face à la presse internationale début avril, lorsque la politique du royaume a été jugée –tant en Suède qu’à l’étranger– peu apte à endiguer la pandémie. Puis, un mois plus tard, quand Stockholm a dû avouer l’«échec pour la société tout entière» dans la protection de ses aînés, le pays enregistrant une véritable hécatombe dans ses maisons de retraite, qui totalisent la moitié des décès. Un bilan humain qui est venu trancher avec le portrait, parfois idyllique, que certains éditorialistes avaient dressé de ce royaume scandinave qui était parvenu à ne pas toucher aux libertés individuelles et à préserver son économie.
Une question de confiance… vraiment?
Les autorités suédoises misent sur le respect par la population des recommandations sanitaires, rappelle fréquemment la presse. En somme, respecter les distanciations sociales et se laver régulièrement les mains. Un discours qui n’est pas sans rappeler celui de la France qui, parmi les pays ayant confiné, fut la plus tardive à agir: la décision de fermer les écoles dans l’Hexagone fut prise 31 jours après le premier décès d’une personne contaminée en France. Des mesures qui, à en croire certains, auraient donc été mieux respectées en Suède que dans notre pays.
«Les terrasses des restaurants ne sont pas bondées et tout le monde prend ses précautions», relatait le 8 mai, dans une tribune publiée sur Slate, un analyste à l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF). Celui-ci soulignait toutefois la prudence avec laquelle la situation en Suède devait être appréhendée.
Pour autant, tous ne partagent pas cet avis quant à l’autodiscipline dont feraient preuve les Suédois. Fin avril, dans un article paraissant également sur le site anglophone de Slate –la version traduite en Français ayant été publié treize jours plus tard– un journaliste suédois décrit dans la capitale des cafés «pleins à craquer», des gens pique-niquant dans les parcs. De retour des États-Unis, Erik Augustin Palm dépeint ainsi, non sans colère, un tout autre tableau du comportement de ses compatriotes.
«Durant les premières heures de mon retour à Stockholm, j’ai vu plus de poignées de mains et d’embrassades que je n’en avais vu en deux mois à Los Angeles (où je n’en avais vu aucune, il faut dire)», souligne le journaliste, dans une longue publication en date du 29 avril.
Il y cherchait à comprendre ces comportements face à ce qui lui paraissait être une réponse gouvernementale «aberrante» face au Covid-19. Cet expatrié table notamment sur «l’entretien d’une image d’exception nationale» des Suédois, couplé à une «tendance à la conformité» d’une population trop à l’écoute des «spécialistes», en l’occurrence de l’Agence de santé publique. Sans concession vis-à-vis de ses compatriotes, il évoque également une «tendance à la passivité lâche» couplée à un «sentiment de supériorité morale», dans ce pays pas peu fier de ses idées progressistes.
Si elle n’est donc pas exempte de reproches, la Suède marque toutefois des points dans certains domaines. Ainsi, avec 29.000 tests réalisés la semaine du 4 au 10 mai, le royaume a-t-il réalisé un test pour 355 habitants. Un chiffre à rapprocher de celui de la France, dans la limite des données officielles françaises disponibles. Celle-ci a effectué 149.800 tests virologiques dans la semaine du 27 au 3 mai, indique France Culture. Outre le fait d’être loin de l’objectif annoncé devant l’Assemblée nationale, fin avril, par Édouard Philippe des «700.000 tests virologiques à partir du 11 mai», ce chiffre représente le maigre ratio d’un test pour 447 habitants.