«Obamagate»: jusqu’à quel point Obama s’est-il compromis dans l’enquête russe?

© AP Photo / Carolyn Kaster Barack Obama
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Après une déconvenue majeure pour les tenants de la théorie du complot russe, Barack Obama est monté au créneau pour défendre son camp et attaquer Donald Trump. Mais l’ex-Président est peut-être sorti à découvert: des documents déclassifiés indiquent que l’enquête menée à charge contre Donald Trump aurait été pilotée par son Administration.

Sur fond d’épidémie, la guerre politique et judiciaire reprend de plus belle à Washington. Et les fantômes de la campagne présidentielle américaine de 2016 ressurgissent une fois de plus.

Dans une fuite (opportune?), relayée par YahooNews, d’une conversation privée avec des responsables Démocrates, l’ex-Président Barack Obama a mis en cause son successeur. Mal lui en a pris? Donald Trump a empoigné son clavier pour une série de tweets et de retweets, tous plus virulents les uns que les autres à son égard.

«Le Watergate, c’est rien à côté de l’OBAMAGATE», a-t-il posté sur le réseau social, où le hashtag est devenu viral avant de disparaître. «L’administration la plus corrompue», a-t-il encore lâché, après avoir évoqué «le plus grand crime politique de l’Histoire américaine».

Ce 12 avril, en conférence de presse, Donald Trump a enfoncé le clou.

«L’Obamagate dure depuis longtemps, c’était là avant même que je ne sois élu. Des choses terribles se sont passées qui ne devraient plus jamais se reproduire dans ce pays.»
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Tout a donc commencé le 9 mai, lorsque l’ancien Président des États-Unis s’est livré à une critique inédite de son successeur. D’abord sur la gestion de la pandémie de Covid-19, qualifiée de «désastre chaotique absolu». Dans le même temps, un grand nombre de médias américains fustigeaient les hésitations, selon eux, de Donald Trump sur la conduite à tenir face à la propagation de la pandémie aux États-Unis.

Dans un même ensemble, la plupart des grands organes de presse ont repris massivement l’information selon laquelle le premier cercle de Donald Trump, dont un officier d’ordonnance chargé de servir ses repas, était infecté par le coronavirus. Faisant leur miel d’une Maison-Blanche qui serait assiégée par le Covid-19, les médias ont largement relayé le fait qu’Anthony Fauci, épidémiologiste et conseiller auprès de la présidence, avait décidé de son propre chef de se placer en confinement. Il s’agissait d’une mesure de précaution, n’étant pas lui-même atteint.

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L’ex-Président n’est pas longtemps resté sur le terrain épidémiologique, pour passer à l’offensive sur un terrain beaucoup plus politique: «L’élection qui arrive, à tous les niveaux, est extrêmement importante, car nous n’affronterons pas seulement un individu ou un parti politique», a-t-il jugé, soulignant la nécessité de ne rien négliger pour faire élire Joe Biden, son ex-vice-Président.

Et passant du sanitaire au judiciaire, il a poursuivi, visant Donald Trump:

«Il n’y a aucun précédent que l’on puisse trouver sur une personne inculpée de parjure qui s’en tire impunément.»

Barack Obama a fait ici allusion à la procédure de destitution lancée contre Donald Trump à la fin de l’année dernière. L’actuel locataire de la Maison-Blanche était accusé d’ingérence dans les affaires intérieures ukrainiennes, sur la base de transcriptions erronées de conversations entre Donald Trump et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. Faute d’éléments assez solides et d’une majorité au Sénat pour l’approuver, la procédure a échoué début février 2020.

Un complot russe toujours plus inconsistant

Le parti démocrate et son candidat probable, Joe Biden, sont-ils si mal en point que Barack Obama doive monter au créneau? L’ambiance médiatique anxiogène ne saurait occulter le fait que le 7 mai dernier, le complexe édifice de la théorie du complot d’une collusion entre Donald Trump et la Russie a perdu l’une de ses clés de voûte.

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Ce jour-là, Michael Flynn, ex-conseiller à la Sécurité nationale, a été blanchi des accusations de parjure dans le cadre de l’enquête sur une possible ingérence russe dans l’élection de 2016. Mis en cause pour avoir simplement rencontré l’ambassadeur russe aux États-Unis, Sergueï Kisliak, à la fin 2016, il avait été contraint de démissionner en février 2017, dès le début du mandat de Donald Trump.

Quatre ans après, la campagne présidentielle de 2016, qui s’est soldée par la défaite d’Hillary Clinton, le coup de tonnerre du 7 mai dernier pourrait avoir de lourdes conséquences, à commencer pour la réputation du FBI lui-même. Le département américain de la Justice a fait valoir que l’enquête lancée contre Michael Flynn n’avait pas de «base légitime». Malgré la pluie de critiques dans la presse contre l’institution et, à sa tête, contre le Procureur général (ministre de la Justice) William Barr, la décision s’appuie, ironie du sort, sur des circulaires internes du FBI. L’une d’elles, rédigée par un agent s’adressant à sa hiérarchie, évoque la possibilité d’un coup monté:

«Quel est votre but? Lui [Michael Flynn, ndlr] faire admettre la vérité ou le faire mentir pour que nous puissions le poursuivre ou le pousser à la démission?»

Michael Flynn semble en effet avoir été l’un des hommes à abattre. Peut-être en raison de ses menaces, à peine voilées, en 2016, à l’égard d’Hillary Clinton et de son directeur de campagne, John Podesta, dont la correspondance électronique avait alors été divulguée par WikiLeaks.

​De fait, c’est l’ensemble de l’enquête du FBI, et plus largement du renseignement américain, qui pourrait être à terme invalidée. Et le rôle de Barack Obama dans toute cette affaire se trouve, plus que jamais, au cœur du débat.

Des retranscriptions embarrassantes, Joe Biden mentionné

En mars 2019, le procureur spécial Robert Mueller, au terme d’une enquête-fleuve de deux ans, avait déjà dû conclure à l’absence de preuves d’une collusion de l’équipe de Donald Trump avec la Russie. À partir de là, depuis mai 2019, le procureur John Durham, missionné par le ministre de la Justice, William Barr, a mené une contre-enquête pour déterminer si l’«enquête russe» avait été diligentée de façon «légale et appropriée».

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Le 7 mai, le jour même de l’acquittement de Michael Flynn, le House Intelligence Committee –une commission permanente du Congrès des États-Unis chargée du renseignement– a déclassifié plusieurs audiences, menées entre 2017 et 2019, sur demande du directeur du Renseignement national, Richard Grenell.

De cette masse de documents, il ressort deux points troublants. D’abord, la confirmation que l’enquête lancée à l’été 2016, en pleine campagne électorale, n’a été communiquée qu’au camp Démocrate. Mais, plus grave encore, Barack Obama aurait demandé, lors d’une ultime réunion, deux semaines avant la passation de pouvoir à son successeur Donald Trump en janvier 2017, de garder l’enquête secrète et de la mener à l’insu de la nouvelle Administration. Joe Biden y était présent avec des responsables du FBI.

Sur la foi des nouveaux documents, Devin Nunes, représentant Républicain et ex-président de la House Intelligence Committee, a annoncé le 10 mai que son équipe avait signalé plusieurs protagonistes de l’affaire pour faux témoignage. «Vous commencerez à voir d’où tout ça est parti», a-t-il prophétisé. Les accusateurs vont-ils se retrouver en position d’accusés?

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