«Oui, bien sûr que ça va poser un problème, tout comme ceux qui mettent une écharpe ou se dissimulent parfois le visage avec un foulard lorsqu’ils ne veulent pas être reconnus», s’inquiète Stanislas Gaudon au micro de Sputnik.
Le délégué général à la communication au syndicat Alliance, organisation du personnel majoritaire dans la police nationale, anticipe quelques soucis de sécurité avec le déconfinement et le port généralisé du masque. Comme l’a annoncé Édouard Philippe, les Français sont à partir de 11 mai à nouveau libres de se déplacer sans attestation dans un rayon de 100 kilomètres autour de leur domicile. Beaucoup de commerces vont rouvrir leurs portes, de même que certaines classes.
Cependant, ce retour à la semi-liberté s’accompagne de contraintes. Comme l’avait annoncé le Premier ministre le 28 avril à l’Assemblée nationale, «nous allons devoir vivre avec le virus. Ce n’est pas réjouissant, mais c’est un fait. Il faut donc apprendre à nous en protéger.»
«Les règles vont changer»
Parmi les mesures de sécurité qui accompagnent le déconfinement, on trouve le port du masque. Désormais recommandé par le gouvernement, après avoir été jugé inutile, il sera même obligatoire dans de nombreuses situations, comme dans les transports publics ou certains commerces. De quoi rendre plus difficile le travail de la police?
«Le port du masque à grande échelle est susceptible de compliquer le travail d’investigation des forces de l’ordre lorsque ces dernières doivent identifier les suspects de crime ou délit», explique Stanislas Gaudon.
Le policier juge cependant difficile de prédire une possible augmentation de la délinquance du fait de la généralisation du port du masque.
«Est-ce que l’on va assister à une montée de la délinquance? C’est difficile à dire, car en temps normal, le délinquant n’hésite pas à se cacher le visage quand il ne veut pas être reconnu. Nous l’avons encore constaté lors des récentes manifestations contre le gouvernement. Ceux qui ne voulaient pas être pris quand ils jetaient des cocktails Molotov sur les policiers se dissimulaient le visage avec une écharpe ou une cagoule. C’est là que le travail d’investigation de mes collègues entre en jeu.»
D’après Stanislas Gaudon, la priorité va de toute façon à la santé des Français: «Les règles sanitaires sont, dans cette “guerre sanitaire”, la priorité du moment. Et il ne s’agira pas de changer des règles pour que d’un côté cela soit plus facile pour les forces de sécurité, mais que de l’autre, le virus se propage sur le territoire national. L’équilibre est difficile à trouver».
Pour le membre d’Alliance, la police dispose de moyens pour gérer la situation:
«Il n’y a pas que la reconnaissance visuelle. Il y a aussi tout un travail qui peut être fait avec la téléphonie, avec des recoupements, avec parfois des témoignages, sans parler de la vidéoprotection, qui équipe beaucoup de municipalités, pas seulement en région parisienne, mais également en province. Elle peut nous permettre de mener des enquêtes et d’interpeller des individus qui ont commis des faits graves.»
En dehors du port du masque obligatoire dans certaines circonstances, le déconfinement s’accompagne de deux mesures phare: l’attestation employeur nécessaire dans les transports en commun franciliens aux heures de pointe, ainsi qu’une autorisation de déplacement limitée à 100 kilomètres autour du domicile.
La ligne 13 à saint lazare reste la plus fréquentée même si bien loin de son affluence habituelle #deconfinementjour1 #Deconfinement11Mai pic.twitter.com/bOpd9gyh55
— Xenia__Sputnik (@XseniaSputnik) May 11, 2020
Pour Stanislas Gaudon, le travail de la police va s’adapter en fonction de ces nouvelles contraintes:
«Les règles vont changer. Il s’agira notamment pour les forces de l’ordre de contrôler le port des masques dans les lieux où il est obligatoire, comme dans les transports en commun, où il sera également nécessaire de contrôler les attestations aux heures de pointe en Île-de-France. Il faudra également veiller au respect de la distance des 100 kilomètres à partir du domicile pour les déplacements et ainsi empêcher qu’un individu issu d’une zone rouge se rende dans une zone verte, avec les risques de propagation du virus que cela implique.»
Stanislas Gaudon se félicite d’une «baisse significative des crimes et délits» durant le confinement. Des bons chiffres notamment dus «à une absence de victimes dans les rues» et à «des gens confinés à leur domicile, ce qui rendait plus difficiles les cambriolages». Dorénavant, la priorité du moment pour les forces de l’ordre sera de «faire appliquer les règles du déconfinement»:
«Maintenant, nous axons, nous priorisons. Nous nous occupons d’abord de tout ce qui est flagrants délits, tout ce qui est prioritaire. Je pense aux violences conjugales, aux violences intrafamiliales, je pense aux agressions, je pense également à tout ce qui est vol, notamment sur la voie publique, par exemple lorsque des délinquants arrachent des colliers ou des bijoux sur les personnes qui se déplacent sur la voie publique.»
Pour le policier, la problématique du port du masque est un danger moindre que la situation explosive dans les quartiers sensibles. Nombre d’entre eux se sont embrasés à la suite de l’accident d’un jeune père de famille sans emploi le 18 avril à Villeneuve-la-Garenne. Ce dernier est entré en collision avec une voiture de police alors qu’il roulait sans casque sur une motocross non homologuée et qu’il a été grièvement blessé.
Nécessaire «reconquête républicaine»?
Dans les jours qui ont suivi l’accident, de nombreux quartiers sensibles à travers tout le pays ont connu des épisodes de violences urbaines. Le 9 mai, c’est un Carrefour Market qui a été incendié à Nanterre à la suite d’un contrôle de confinement qui a dégénéré.
Stanislas Gaudon juge la situation critique: «Les craintes pour le déconfinement sont les mêmes craintes que l’on a eues par rapport au contrôle du confinement dans les quartiers sensibles. Ces derniers sont à la limite de l’insurrection, avec parfois des basculements complets dans les violences urbaines. On a des évènements qui se déroulent quasiment tous les week-ends en petit couronne et en grande couronne parisienne, mais aussi dans les villes de province.»
Si le policier assure que «ce n’est pas la population entière de ces quartiers qui est responsable, mais une minorité qui décide de mettre le chaos», il tire la sonnette d’alarme:
«Il est très difficile de faire appliquer les règles de la République dans des quartiers qui n’appréciaient déjà pas la police avant cette crise sanitaire. Certains issus de ces quartiers ont bien l’intention de faire comprendre qu’il ne s’agit pas du territoire de la République ni de celui de la police nationale. Il faut que l’impunité cesse et que la reconquête républicaine se fasse, notamment pour les habitants de ces quartiers qui, eux aussi, n’en peuvent plus.»