Mediapart: un ex-collaborateur de Véran voulait toucher une commission sur l’achat de chaque masque

© AFP 2023 FRED DUFOURMasques FFP2
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Alors que la France manquait de masques à la mi-mars, Tewfik Derbal, qui collaborait encore avec Olivier Véran quelques semaines plus tôt, avait intention d’obtenir une commission sur l’achat des FFP2, rapporte Mediapart dans une enquête sortie le 9 mai. Il a quitté son nouveau poste de collaborateur d’une députée LREM après les questions du média.

Mediapart a mené une enquête portant sur la pénurie de masques en France et a établi qu’un ex-collaborateur d’Olivier Véran, Tewfik Derbal, voulait toucher une commission sur l’achat de masques FFP2.

D’après le site d’information, une société française d’import-export avec la Chine s’est tournée début mars vers ses fournisseurs et a trouvé des masques FFP2 en grande quantité. 

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«La société gérait l’envoi par cargo en moins de sept jours et assurait la conformité de la transaction», a indiqué à Mediapart Abou (dont le nom est modifié), un homme d’affaires mandaté par cette société. Elle a tenté de commencer des négociations avec la France en envoyant des courriels mais en vain. Ainsi, mi-mars, Abou a laissé des messages sous pseudo sur les réseaux sociaux. 

«Je dispose de millions de masques FFP2 et de beaucoup de matériel médical (j’ai même du FFP1). Je rappelle que je suis disposé à livrer n’importe quel pays assez rapidement. Faites passer à vos dirigeants», a-t-il écrit.

Le 16 mars, il s’est adressé sur Twitter à Olivier Véran: «Je rappelle que je suis en possession de plusieurs millions de masques FFP2 (conforme pour l’Europe), je suis toujours disposé à en discuter avec vous ou l’un des membres de votre ministère.»

Peu après, Samir (dont le nom est aussi modifié), l’un de ses followers, lui a envoyé un message privé: «Je peux avoir un contact avec Olivier Véran. C’est quoi le deal?»

«J’ai des masques FFP2. Provenance Chine, conforme Europe», a répondu Abou en ajoutant: «Minimum un million».

Un numéro de portable

Par la suite, Samir lui a fait parvenir un numéro de portable en disant qu’il s’agissait de son «cousin» Tewfik Derbal et a joint une fiche LinkedIn précisant que ce dernier était «collaborateur auprès d’Olivier Véran». 

Comme l'indique Mediapart, Tewfik Derbal, âgé de 42 ans, a été pendant 11 ans conseiller en emploi et formation à la mission locale de Grenoble. Puis, en 2017, il est devenu l’assistant parlementaire d’Olivier Véran, quand celui-ci a été élu député de l’Isère.

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«Si Véran est rapide, je fais livrer en cinq jours avant que la crise s’accentue», a estimé Abou en promettant au follower: «Je te garantie [sic] que je te revaudrais [sic] ça.» Joint par Mediapart, Samir a dit que cette phrase avait été interprétée par lui «comme une proposition de contrepartie». Il y a renoncé: «Tu me dois rien. La santé de tous prime. Si ça peut sauver des vies, alors ma récompense n’est pas ici bas.»

2% du prix sur chaque masque vendu

Peu après, la société d’import-export a envoyé un courriel sur le mail personnel de Tewfik Derbal qui a affirmé être «en lien avec la personne qui gère cette situation [la pandémie de Covid-19, ndlr] au sein du ministère», tout en demandant comment la société procède «habituellement avec les apporteurs d’affaires».

M.Derbal a joint par la suite un contrat et a réclamé 2% du prix sur chaque masque vendu. La société lui a proposé de le rémunérer deux centimes d’euro par masque mais M.Derbal n’était pas d’accord: «C’est de cette façon que je fonctionne.» Finalement, il a accepté de légèrement baisser ses tarifs mais voulait toujours que sa commission soit en pourcentage.

Le contrat de cinq pages a été signé le 17 mars par la société d’import-export. Mediapart s’en est procuré un exemplaire.

​Pourtant, la transaction n’a jamais eu lieu. «Nous n’avons eu que la parole de Derbal, nous n’avons jamais été en contact avec l’État», dit Abou.

«À cette époque, la cellule masques du ministère était dépassée, ne gérait rien. On s’est mis à recevoir des offres de personnes bien intentionnées qui nous disaient vouloir aider la France mais cherchaient surtout à gagner de l’argent», a fait savoir à Mediapart une source officiant alors au ministère de la Santé.

Tewfik Derbal s’explique

Mediapart a contacté Tewfik Derbal pour éclaircir la situation. Dans un premier temps, il a nié toute commission.

«Énormément de personnes m’ont contacté, ou ont contacté mes collègues. Les gens ont fait le rapprochement entre Olivier Véran, qui a été nommé ministre, et ses anciens collaborateurs. Ils nous ont contactés pour faire en sorte qu’on puisse positionner ces entreprises auprès du ministère. On a relayé l’information et point barre. Moi, je n’ai pas vendu de masques par mon intermédiaire. Je n’ai aucune commission de quoi que ce soit», a-t-il indiqué.

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Finalement, il a reconnu les faits, tenant toutefois à souligner que ce n’était pas lui qui avait évoqué une commission, mais l’intermédiaire de la société. 

«Je ne lui ai pas dit: "Au fait, moi je veux une commission, je connais des gens". Par téléphone, il nous a fait part d’un possible remerciement si la transaction avait lieu. J’avais déjà ma société, j’ai dit "pourquoi pas". J’ai seulement souhaité faire les choses en bonne et due forme en proposant un contrat. Il m’a ouvert une porte, automatiquement j’y suis entré.»

Néanmoins, Mediapart a à sa disposition la correspondance écrite selon laquelle c’est M.Derbal qui a parlé de commission. Et c’est lui qui a joint un contrat d’apporteur d’affaires réclamant 2%.

D’après Tewfik Derbal, il a menti quant à la réponse du ministère de la Santé à cette offre: «J’ai dit qu’ils étaient intéressés pour montrer à la personne… Ce n’était pas vrai, mais là on fait des affaires, on n’est plus dans le poste de collaborateur parlementaire, je suis avec ma casquette d’auto-entrepreneur. Ce n’est pas allé plus loin que cela. Il n’y a jamais eu de retour [du ministère, ndlr].»

Après avoir répondu aux questions de Mediapart, M.Derbal, qui est devenu collaborateur d’une députée LREM, a démissionné 24 heures plus tard. Mediapart a fait parvenir ses questions à Olivier Véran et au ministère de la Santé qui n’y ont pas répondu pour l’instant.

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