Des dizaines de milliers de soldats russes et soviétiques, morts pendant les deux guerres mondiales et la campagne de Russie de Napoléon, reposent sur le sol français. La plupart des tombes ne portent pas de noms. Certaines ont été abandonnées.
Créée par l’historien Sergueï Dybov, Mémoire russe se consacre à la préservation des monuments de ses compatriotes et à la recherche des origines des combattants dont les plaques portent l’inscription «inconnu». Son président s’est entretenu avec Sputnik.
Un déclic
L’idée de créer l’association est née après l’incident des tombes de soldats russes, situées dans un mémorial militaire à Grenoble en 2015. Pendant leur rénovation, la nationalité de sept Russes de la Première Guerre mondiale a été effacée.
«On est arrivé à un point où il fallait décider: soit on s’indigne assis sur son canapé soit on fait quelque chose pour améliorer la situation des sépultures militaires russes et soviétiques en France. C’est ainsi que l’association a vu le jour».
Ses membres, d’origine française et/ou russe, ont commencé par dresser une liste des soldats russes et soviétiques morts en France, ainsi que des monuments et obélisques militaires. Plus tard, l’association a réussi à restaurer certaines tombes et à installer des plaques commémoratives. Elle a aussi participé à la restauration de certains monuments et nécropoles, précise M.Dybov.
Réaction des maires français
Les autorités municipales réagissent «généralement avec compréhension» à ce genre d’initiatives, «toujours de manière tranquille». Il précise qu’«il y a bien sûr des personnes indifférentes, mais il y en a aussi qui y participent vivement». Et c’est comme ça que des membres ont noué des liens d’amitié avec certains élus.
Concernant l’histoire de la restauration de la nécropole de Méricourt, dans le Pas-de-Calais, «qui était dans un très mauvais état», Sergueï Dybov raconte:
«Quand je suis arrivé chez le maire pour lui demander d’autoriser la restauration de la nécropole, il l’a pris très à cœur. Je ne sais pas pourquoi rien n’a été fait avant. Les autorités ont d’abord refusé notre aide, affirmant qu’il leur était par principe important de rénover les tombes des soldats soviétiques par leurs propres moyens. Et ils l’ont fait. C’est une petite commune, mais ils ont réussi à trouver des financements. Certains noms de famille comportaient des fautes d’orthographe, mais ils les ont corrigées. Actuellement, c’est la nécropole soviétique la plus pittoresque de France, si l’on peut parler ainsi d’un cimetière».
Commémorations et participation des enfants
L'achèvement de tels travaux est parfois salué par une cérémonie commémorative, comme ça a été le cas pour l’inauguration de la plaque de Vassili Porik, commandant soviétique d’un bataillon de résistants en France, à la nécropole de Méricourt, à laquelle des élèves de l’école élémentaire Ferdinand-Buisson Suzanne-Lacore ont participé, au même rang que les autres invités.
D’ailleurs, est-ce que l’association travaille avec la jeune génération? L’historien explique qu’actuellement, faute de temps et de moyens, elle a du mal à se consacrer à cette question. L’association s’attelle plutôt à la rénovation des monuments.
Néanmoins, «nous invitons tout le monde à nos événements, poursuit M.Dybov. L’année dernière, beaucoup sont venus avec leurs enfants pour célébrer le Jour de la Victoire. Mes fils sont toujours avec moi. Les autorités municipales avec lesquelles on travaille tentent dans la mesure du possible de faire venir des écoles».
Le président de Mémoire russe donne des conférences dans des écoles françaises pour raconter aux élèves l’histoire du régiment Normandie-Niémen. Mais pour 2020, rien n’est encore programmé: «J’ai été invité par plusieurs écoles cette année, mais tout a été suspendu en raison de cette situation [avec la pandémie, ndlr]».
Travaux de recherche
Sergueï Dybov mène également différents travaux de recherche au sein d’archives militaires, diplomatiques, départementales et locales. Il échange avec des historiens français et russes pour en apprendre toujours plus sur ces soldats disparu dans l’anonymat, même si «la demande de publications historiques est très faible». «On retrace des parcours, des histoires et des événements incomplets», résume-t-il.
Bien que l’association soit confrontée à de nombreux problèmes, notamment liés à l’obtention de financements ou à une certaine indifférence auprès des personnes démarchées, le soutien qu’elle reçoit prime sur tout le reste, conclut M.Dybov. Et elle continuera tant qu’elle ressentira l’importance de ce qu’elle fait pour les autres.