En pleine année électorale, Donald Trump continue de jouer serré, quitte à déstabiliser des marchés financiers qui lui sont chers. Son secrétaire d’État, Mike Pompeo, s’en est ainsi pris avec virulence à la Chine le 3 mai, sur la chaîne ABC. «La Chine est connue pour infecter le monde», a lancé le chef de la diplomatie américaine. Et celui-ci de renouveler les accusations de Washington contre Pékin sur la gestion de la crise pandémique:
«Nous pouvons confirmer que le Parti communiste chinois a tout fait pour que le monde ne soit pas averti à temps. Il y a beaucoup de preuves. Ils ont expulsé des journalistes, des professionnels de la santé en Chine ont été réduits au silence, toutes ces choses qu’un régime autoritaire fait», a accusé le secrétaire d’État.
Les marchés financiers nerveux
Alors que l’Administration Trump ne peut ignorer que ces déclarations auront pour résultat d’envenimer la guerre diplomatique entre Pékin et Washington, quel est le but de la manœuvre? D’autant que cette nouvelle offensive de la Maison-Blanche a toutes les chances de relancer une autre guerre, économique et financière, celle-là. Ce 4 mai, les marchés financiers encaissaient déjà le coup. À Paris, le CAC 40 avait perdu 3,53% à la mi-journée, tandis que l’indice boursier européen STOXX 600 cédait 2,35%. Et, alors que les Bourses du Japon et de Chine sont fermées ce 4 mai, les autres places asiatiques ont plongé.
«La crainte dans les salles de marché est d’avoir une intensification de la guerre commerciale qui s’ajoute à la crise économique et sanitaire, ce qui reviendrait à hypothéquer toute perspective de reprise rapide de l’activité», a commenté Christopher Dembik, responsable de l’analyse macroéconomique chez Saxo Bank.
«Cette peur pourrait en outre réduire à néant les efforts des Banques centrales qui ont réussi avec brio, en l’espace de quelques semaines, à éviter que la crise économique ne se transforme en crise financière», a-t-il ajouté. Pourquoi alors Donald Trump prend-il de tels risques? Le Président américain, candidat à sa propre succession, poursuit sans doute plusieurs buts.
Ingérence russe versus ingérence chinoise
En premier lieu, sa stratégie électorale apparaît comme le pendant des accusations d’ingérence russe lancées par le Parti démocrate lors de la campagne électorale de 2016. L’enquête sur la prétendue collusion avec la Russie n’a rien pu prouver, mais elle aura plombé l’essentiel de son mandat.
Réponse du berger à la bergère, le American First Action PAC, plus grand groupe de soutien au Président sortant, a lancé une opération visant à démontrer que le candidat du Parti démocrate, Joe Biden, serait beaucoup trop proche de la Chine. Dans la veine des surnoms péjoratifs que Donald Trump attribue à ses rivaux, comme Ssleepy Joe» pour Joe Biden («Joe le fatigué») ou «crooked Hillary» («Hillary la malhonnête»), ce groupe a lancé le 1er mai le site «Beijing Biden», «Pékin Biden» en anglais. «En négligeant la menace chinoise, Joe Biden met en péril les emplois et la sécurité nationale américains», accuse ainsi le site Beijingbiden.com. Et d’avancer, sans autre forme de procès:
«Ses liens familiaux corrompus avec l’élite chinoise posent de sérieuses questions au sujet de sa probité et de ses motivations secrètes.»
En second lieu, Donald Trump peut ainsi reprendre le thème du nationalisme économique qui lui est cher et qu’il avait condensé dans son slogan de campagne «Make America Great Again». En 2017, à peine élu, il avait en effet menacé les industriels américains –notamment l’industrie automobile sous-traitant au Mexique– de lourdes taxes.
Imposer la guerre économique contre la Chine dans sa campagne
Concernant la Chine, le Président sortant avait déjà relancé le bras de fer commercial fin août 2019. «C’est une guerre commerciale qui aurait dû avoir lieu il y a un certain temps», avait-il alors déclaré. «Nous travaillons depuis plusieurs années sur [la réduction de la dépendance de nos chaînes d’approvisionnement en Chine, ndlr], mais nous avons désormais enclenché le turbo sur cette initiative», a expliqué à Reuters Keith Krach, sous-secrétaire d’État américain à la Croissance économique. Et de préciser que Washington pourrait annoncer rapidement de nouvelles mesures de représailles.
Une question demeure pourtant: est-ce vraiment le bon moment pour provoquer la Chine?