Au Québec, où le Covid-19 a fait environ 1.800 morts sur 8,5 millions d’habitants, le déconfinement pourrait s’avérer aussi délicat pour le gouvernement que la gestion même de la pandémie.
Le 27 avril, à l’occasion de son habituel point de presse de 13 heures, le Premier ministre québécois François Legault a annoncé que les écoles de la province rouvriraient prochainement, une décision considérée comme le début du déconfinement. Dans un premier temps, les parents pourront choisir d’envoyer ou non leurs enfants à l’école. Québec dit s’attendre à un taux de présence d’environ 50%.
Déconfinement controversé
Les écoles primaires et les crèches rouvriront le 11 mai à l’extérieur du Grand Montréal, et le 19 mai à l’intérieur de cette zone métropolitaine où sont recensés le plus grand nombre de cas d’infection. Le Premier ministre et le directeur de la Santé publique, Horacio Arruda, estiment que la pandémie est suffisamment sous contrôle.
«Si jamais il y a des enfants ou des enseignants qui devenaient malades, on a toutes les capacités et le personnel disponible pour s’en occuper. […] Je pense que c’est bon que les enfants revoient leurs amis, leurs enseignants. On ne prévoit pas de vaccin avant 12 à 18 mois. Je ne vois pas les enfants rester chez eux pendant tout ce temps. La vie doit continuer», s’est justifié François Legault le 27 avril.
Rapidement, l’annonce du retour en classe a suscité un vent d’opposition dans divers milieux, à commencer par celui des enseignants et de leur syndicat. Des scientifiques ont aussi dénoncé ce qu’ils considèrent être une décision précipitée.
Les enfants devront autant que possible se tenir à deux mètres les uns des autres dans les écoles, indique Québec https://t.co/qurVzB0ZPj
— TVA nouvelles (@tvanouvelles) April 27, 2020
«Il serait présomptueux de prétendre que nous avons un bon contrôle sur l’épidémie au Québec», a déclaré Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, dans un entrevue accordée à La Presse. Des éditorialistes critiquent également la décision du gouvernement Legault, accusé par de nombreux parents d’utiliser leurs enfants comme «cobayes». Devenu une véritable icône, Horacio Arruda reconnaît que le déconfinement est un «pari risqué».
«Les profs du Québec ne serviront pas de rats de laboratoires et les élèves encore moins. On a 17% de nos membres qui sont âgés de 55 ans et plus. Certains de nos membres souffrent de maladies, d’autres sont des aidants naturels», a réagi Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome des syndicats de l’enseignement.
Le lendemain de l’annonce, le ministre de l'Économie et de l'Innovation, Pierre Fitzgibbon, a présenté le plan de relance de l’économie québécoise en compagnie du Premier ministre.
Retour en classe: des «enfants-cobayes»?
Trois secteurs phares de l’économie seront graduellement relancés: le commerce de détail, la construction et l'industrie manufacturière. Le 23 mars, M.Legault avait décrété la fermeture de toutes les entreprises et de tous les commerces, sauf ceux déclarés essentiels, comme les épiceries et les pharmacies.
«Il y a présentement à peu près 1,2 million de Québécois qui sont en arrêt de travail temporaire en raison des mesures de confinement. […] Mettre le Québec en pause n'a pas été une décision facile à prendre. La situation, par contre, se stabilise […] et on a obtenu l'autorisation de la Santé publique pour annoncer graduellement et de façon sécuritaire la réouverture de notre économie», a déclaré M. Fitzgibbon le 28 avril.
Plusieurs observateurs s’opposent toujours à toute forme de déconfinement, mais le redémarrage de l’économie est salué par de nombreux acteurs de la vie économique de plus en plus inquiets pour leur situation.
« Dans les circonstances, ouvrir les écoles – et une bonne partie de notre économie – dans deux ou trois semaines, est-ce la meilleure idée? Est-ce prudent? Surtout si nous sommes à peu près les seuls sur le continent à le faire? » https://t.co/R6P2CMujT5
— Jean-Robert Piette (@JRPiette) April 29, 2020
Selon les chiffres du gouvernement canadien, 87,4% des Québécois évoluant dans le secteur privé travaillent pour une PME et depuis les mesures préventives, plus de la moitié de leurs directions ont dû congédier des employés. Récemment, un quart des propriétaires de PME affirmaient qu’ils avaient été obligés de mettre à pied la totalité de leurs employés. Selon diverses projections, au moins un tiers des PME pourraient ne pas survivre à la pandémie de Covid-19.
Des centaines de PME menacées
Si le gouvernement semble redouter les impacts économiques d’un confinement prolongé, il paraît aussi préoccupé par ses effets psychologiques:
«Je veux éviter des suicides chez des propriétaires de PME, des divorces parce que ça va mal et de la violence faite aux enfants. […] L'état de santé mentale des jeunes, leurs conditions d'apprentissage et, éventuellement, leurs problématiques de santé mentale, la violence qui peut se vivre à l'intérieur des maisons et qu'on ne voit pas, tout ça est pris en considération», a insisté Horacio Arruda, directeur de la Santé publique.
À partir du 4 mai, le gouvernement Legault a aussi promis de commencer à lever les barrages routiers empêchant les gens de se rendre d’une autre région administrative à l’autre. Jusqu’à nouvel ordre, seuls les travailleurs qui en ont besoin seront autorisés à voyager sur le territoire.