Le Premier ministre Édouard Philippe a réaffirmé le 28 avril dernier son objectif de disposer de 700.000 tests par semaine à partir du 11 mai. Une intention d’autant plus louable que des professionnels de santé s’inquiètent d’une résurgence de l’épidémie. C’est le cas de Philippe Juvin, chef des urgences de l’hôpital George Pompidou, qui témoignait sur RTL le 29 avril:
«Je prie pour avoir tort, qu’il se passe quelque chose que l’on ne comprenne pas et que l’on ait moins de cas. Mais à l’heure où je vous parle, sans vaccin, sans médicament, sans effet de saisonnalité prouvé sur le virus, je ne vois pas ce qui pourrait nous permettre d’échapper à une nouvelle vague.»
Alors que la décrue dans les services d’urgence se confirme, pourquoi ce responsable semble-t-il ne pas prendre en compte le déploiement de tests du coronavirus annoncé par Édouard Philippe?
La Corée du Sud en mesure de tester dès février, la France trois mois après?
Résultat: bien que la Corée du Sud ait été le pays le plus massivement touché hors de Chine au mois de février, l’épidémie était contenue dès la mi-mars grâce à cette politique de tests massifs et de traçage des personnes en contact avec les malades. 10.765 personnes atteintes y ont été recensées seulement depuis que le premier cas d’infection a été signalé le 18 février. Avec un bilan de seulement de 247 morts pour une population de presque 52 millions d’habitants, la Corée du Sud n’a enregistré aucun nouveau cas de Covid-19 ce 30 avril. Une première.
«En France, faute de tests en nombre suffisant, on a été débordés et on s’est retrouvés contraints de confiner toute la population. Avec un confinement individuel, comme en Allemagne ou en Corée du Sud, on diminue la propagation de l’épidémie», rappelle pour Sputnik le professeur André Grimaldi, de la Pitié-Salpêtrière.
Bien que la Corée du Sud et l’Allemagne aient indiqué le chemin à suivre, la France peine toujours à mettre en œuvre des campagnes de tests massifs. Alors que le confinement a débuté le 17 mars, le gouvernement aura mis presque deux mois à se dire en mesure de mobiliser les ressources nécessaires. Mais là où la Corée du Sud, leader dans les nouvelles technologies, avait déployé des outils de traçage très performants –et intrusifs–, dans l’Hexagone, la méthode sera plus artisanale. Retard à l’allumage de l’application StopCovid oblige, ce sont des humains, infirmiers et médecins de ville, qui devront se charger d’enquêter dans l’entourage des patients identifiés.
Des masques indispensables au succès du déconfinement
Le chiffre de 700.000 tests hebdomadaires effectués repose sur une estimation de 1.000 à 3.000 nouveaux cas par jour. Pour chaque cas, il faudra tester en moyenne «au moins 20 à 25 personnes ayant croisé le malade dans les jours précédents», a précisé Édouard Philippe devant les députés. Les personnes symptomatiques et testées positives seraient invitées à s’isoler soit chez elles, avec le confinement de tout le foyer pendant 14 jours, soit dans un lieu mis à disposition, notamment des hôtels réquisitionnés.
Que se passerait-il dans le cas où la population se retrouverait en contact avec des personnes infectées, sans pour autant avoir assez de masques à disposition? «Il doit y avoir une protection générale de la population en ayant suffisamment de masques et de tests», note encore André Grimaldi. Indice que le gouvernement ne peut garantir sa stratégie, Édouard Philippe a semblé se ménager une porte de sortie en posant des conditions au déconfinement. «Si les indicateurs ne sont pas au vert, nous ne déconfinerons pas le 11 mai, ou alors plus strictement», a-t-il prévenu, appelant les Français à la responsabilité collective.
Cependant, ce 30 avril, au premier jour de leur mise en vente libre, notamment chez les buralistes, les masques étaient en pratique très rares.
Mais pour l’heure, le gouvernement ne s’est prononcé que sur une obligation du port du masque dans les transports en commun. «Il y a une marge de manœuvre pour les maires, mais comme cela a déjà été dit, ceux qui prendraient un arrêté obligeant à porter un masque dans leur ville, cet arrêté serait illégal», a recadré Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur. Une position officielle dictée, encore, par une pénurie qui persisterait?