Les musulmans de France s’apprêtent à vivre à partir du 23 ou 24 avril (la date n’a pas encore été fixée) un ramadan un peu particulier. En France comme ailleurs, le confinement ou la distanciation sociale sont de mise pour lutter contre le coronavirus et contraignent les croyants de toutes confessions à renoncer à certaines pratiques religieuses le temps que l’épidémie disparaisse.
En effet, en France, comme dans de nombreux pays musulmans, les rites et célébrations publiques islamiques sont profondément modifiés par la pandémie. C’est le sens du communiqué rendu public le début avril par le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM).
«Le CFCM appelle les responsables musulmans à maintenir les mosquées fermées et incite les fidèles à accomplir leurs prières journalières chez eux, jusqu’à nouvel ordre. C’est la seule attitude responsable et conforme aux principes et aux valeurs de notre religion dans ce contexte d’épidémie», déclare le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, dans un communiqué.
Néanmoins, certaines craintes subsistent malgré les prises de paroles publiques des autorités musulmanes de France, notamment celle de possibles rassemblements lors de la rupture du jeûne, moment généralement célébré avec ses amis ou en famille.
Une situation déjà incandescente en banlieue
À Marseille, le préfet Emmanuel Barbe a d’ailleurs déjà tiré la sonnette d’alarme à ce sujet sur une radio régionale, dévoilant par la même occasion la marge de manœuvre que les autorités laissaient dans l’accomplissement de ce rite.
«Certes, nous ne pourrons pas éviter que les gens se rendent visite les uns les autres dans une même barre d’immeubles, explique Emmanuel Barbe. Mais, là, il s’agit d’une question de responsabilité individuelle. Il me semble que la période du ramadan permet encore plus que d’habitude de veiller les uns sur les autres. En revanche, les soirées festives “hors les murs”, comme il y en a tous les ans à cette période, seront interdites».
En effet, des sources policières craignent, lors de ce mois de ramadan, que les musulmans, en particulier dans certains quartiers sensibles, ne respectent pas les mesures de confinement. C’est notamment à propos des jeunes que cette crainte est la plus présente.
«Nous craignons que la restriction de la possibilité de prier soit encore plus mal vécue pendant cette période, avec des “représailles” contre les policiers à la clé. Et que le ramadan donne un prétexte de plus à des jeunes pour sortir à la nuit tombée», explique à nos confrères du Figaro une source policière.
Dans le contexte actuellement explosif en banlieue, ces craintes prennent de l’ampleur. Pourtant, selon Abdallah Zekri, le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, rattaché au CFCM, il ne s’agirait là que de récupération politique.
«Cette stigmatisation des musulmans n’est pas nouvelle, on y est habitué et on préfère laisser les personnes qui nous stigmatisent à leur médiocrité. Il faudrait d’ailleurs qu’on arrête de les qualifier comme musulmans, ce sont des citoyens français de confession musulmane», déclare Abdallah Zekri à Sputnik.
Pour lui, les autorités représentatives des musulmans ont donné via leur plateforme toutes les consignes nécessaires aux croyants pour qu’ils puissent exercer leur religion sans qu’il y ait de risques pour la santé publique. Cela a été fait avant même les directives du gouvernement, précise encore président de l’Observatoire national contre l’islamophobie: «Dans le cadre du CFCM, nous avons pris, 24h avant le gouvernement, la décision de demander aux imams de fermer les mosquées.»
Les autorités religieuses musulmanes mobilisées
Et ce, alors même que cela demande un changement radical dans les pratiques qu’observe généralement la communauté musulmane le temps du ramadan.
«Ce confinement change beaucoup de choses. Le ramadan est un mois de rencontre et de partage pour les musulmans, qui se rencontrent souvent pour rompre le jeûne. Il y a également des prières obligatoires sur le plan religieux. Toutes ces pratiques n’auront pas lieu cette année», souligne le délégué général du CFCM.
Néanmoins, la communauté de musulmans français est prête à observer ces règles pour sa propre santé et celle de tous les Français, comme le font les autres croyants, selon le responsable du CFCM. Et il insiste pour que même ceux qui auraient à l’idée de contourner même très légèrement les règles ne le fassent pas:
«Les musulmans ne peuvent pas faire autrement. Il y a un problème sanitaire, et il en va de la vie des gens. J’ai eu des informations comme quoi certaines personnes souhaitent se retrouver dans des espaces qui se prêtent à la rupture du jeûne dans les HLM, on leur déconseille fortement cela. On leur a dit: “restez chez vous!”»