Dimanche 19 avril, 23h30. Un équipage de police-secours est appelé dans le quartier des épinettes à Évry (91). Des «perturbateurs» ont été signalés. Arrivée sur place, la patrouille entend des cris, et aperçoit une silhouette cachée dans un buisson. La situation va alors dégénérer en quelques secondes. D’autres silhouettes encerclent peu à peu les policiers. En tout, ils seront une trentaine d’individus encapuchonnés, à lancer des pierres et des bouteilles en verre, puis à tirer au mortier d’artifice. Les policiers n’ont alors plus le choix, ils doivent s’extraire du guet-apens. Le policier au volant récupère ses collègues difficilement, sous les tirs…
Mêmes délinquants, nouveau méfait
Guérilla contre la police, trafic de stupéfiants, rodéos sauvages: «c’est toujours l’histoire de quelques centaines de personnes dans chaque cité.» Toujours les mêmes, sous-entend Linda Kebbab. Mais avec l’épidémie de Covid-19, les petites frappes se rendent désormais coupables d’un nouveau méfait:
«Quand vous avez cinq ou dix jeunes qui squattent au pied des immeubles et contaminent les poignées de porte… ce sont les autres qui trinquent», souligne Linda Kebbab.
Et si le confinement a en effet été remis en cause dans la France entière, la réaction au rappel à l’ordre diffère dans les zones sensibles. «Là, ils refusent toute règle»: là, chaque contrôle peut virer à l’émeute.Face à la menace, les atermoiements de la hiérarchie policière désespèrent la policière: les instructions de ne pas porter de masque ou celles de ne pas entrer dans certains quartiers… ou alors en voiture banalisée. Sortir ainsi caché, c’est pour elle un aveu terrifiant de faiblesse:
«On préfère se plier au code de ceux qui ne veulent pas voir de forces de l’ordre dans les quartiers. Quand les autorités nous disent de ne pas interpeller, de ne pas intervenir, on abandonne les habitants. On veut juste que le gouvernement nous donne les moyens de protéger les habitants», exige la déléguée du syndicat de police CGP-FO.
Le 18 avril à Villeneuve-la-Garenne, la voiture de police dont l’agent a ouvert la portière, causant un accident avec un individu de 30 ans à moto, n’était pas sérigraphiée. Sur les réseaux sociaux, la rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre: les policiers guettaient les jeunes et auraient commis une bavure. Le pilote du motocross aurait eu la jambe coupée. Pourtant, les faits semblent différer.
Le multirécidiviste à moto a-t-il foncé sur les flics?
Sous contrôle judiciaire depuis le 16 mars, le pilote du motocross roulait sans casque. Et selon le syndicat de police Alliance, l’intéressé serait un «multirécidiviste»: «violences, stups, agression sexuelle... avec des antécédents longs comme le bras.»
«Ça faisait plusieurs nuits qu’il excédait les habitants. Les collègues sont intervenus sur signalisation des riverains. Il est arrivé en sens inverse et sur le trottoir, puisque la portière a été ouverte du côté droit. J’aimerais savoir à quel moment c’est une violence policière!» s’insurge la policière au micro de Sputnik.
Et qu’on ne vienne pas lui dire que les échauffourées dans les quartiers sont autant de révoltes face à une accumulation d’injustices: «quand des banlieues privilégiées comme à Meudon et Suresnes sont touchées par des incendies de véhicules, on ne combat pas des injustices! Ce ne sont que des prétextes.» On ne combat pas ainsi les discriminations, dit-elle.
Les caïds sont sur les dents
«Ça ajoute au fait qu’ils ne veuillent pas voir de policiers dans les quartiers. Faire fuir l’autorité, c’est dire aux consommateurs qu’ils peuvent venir sans problème», explique Linda Kebbab.
Du côté des flics, la lassitude du confinement se fait aussi sentir. D’autant plus que des congés leur ont été retirés à la suite d’une ordonnance publiée il y a quelques jours, le 15 avril. «On protège des habitants, on se fait lyncher par les médias, et on nous sucre nos congés», résume Linda Kebbab, tirant la sonnette d’alarme: «bientôt, les policiers n’auront vraiment plus envie d’y aller.»