En Algérie, la communauté mozabite en mode résilience face au Covid-19

© AFP 2024 FAROUK BATICHELa ville de Guerara, dans la vallée du M'Zab, en Algérie
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Les Mozabites, communauté berbère de la vallée du M’Zab, ont mis en œuvre des mécanismes de protection et d’entraide dès le début de la période de distanciation sociale. L’instance coutumière qui régit les sept cités de la vallée a engagé une réflexion sur l’après-coronavirus et sur les moyens de faire face à la crise économique.

La rudesse de la nature et du climat du désert, et les tumultes de l’histoire ont fait des Mozabites une communauté hautement résiliente. Berbères zénètes adeptes du rite musulman Ibadite, ils ont fondé sept ksour (cités, singulier ksar) dans la vallée du M’Zab (650 km au sud d’Alger). Ainsi, Ghardaïa, Beni Isguen, Melika, Bounoura, El Atteuf, Berriane et Guerrara sont régis, parallèlement aux autorités locales classiques, par des instances religieuse et sociale coutumières. 

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Le mode d’organisation de cette communauté lui a permis de prendre très rapidement des mesures de protection dès l’apparition des premiers cas de Covid-19 en Algérie. Dans une déclaration à Sputnik, Doudou Bahmed, coordinateur général du Majliss Ba Abderrahmane El-Kourti, considéré comme le haut conseil des notables de la communauté mozabite, estime que cette réactivité a été salutaire pour les habitants des sept cités.

«La mise en  œuvre de notre stratégie en matière de sensibilisation et de mesures de protection s’appuie sur toutes les instances coutumières dans les ksour. Bien sûr, nous coordonnons nos actions avec celles des autorités sanitaires locales. Nous avons la possibilité de le faire avec plus de rigueur du fait de l’existence de ces instances coutumières qui jouissent de l’écoute et de l’attention de notre communauté. Les citoyens qui résident dans les ksour sont conscients de la situation, ils comprennent parfaitement la nécessité d’imposer des mesures de distanciation sociale», explique le responsable du Majliss Ba Abderrahmane El-Kourti qui existe depuis plus de dix siècles.

Mécanismes d’entraide

Selon Doudou Bahmed, la wilaya (département) de Ghardaïa compte trois cas de patients positifs résidents dans les ksour. Fin mars, les membres du personnel soignant de l’hôpital Brahim Tirichine qui avaient été en contact avec le premier malade ont tous été placés en isolement dans un établissement touristique de la région. N’ayant pas été infectés, ils ont pu regagner leur domicile ce lundi 13 avril. 

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La vallée du M’Zab est relativement peu touchée comparativement à d’autres régions du nord du pays. Au plan national, le Comité scientifique de suivi de l'évolution de la pandémie de coronavirus fait état de 1.983 cas confirmés et de 313 décès. Au-delà de la prise de conscience de la population face à la maladie, les notables du M’Zab se concentrent sur la mise en place de mécanismes de soutien au profit des familles déshéritées en ces temps de couvre-feu qui dure de 19h à 7h.

«Les instances coutumières connaissent toutes les familles qui sont dans le besoin. Elles ont droit à des lots de produits de première nécessité et à des médicaments. Pour cela, nous faisons appel aux commerçants et aux industriels qui sont les principaux donateurs. Nous avons également des procédures qui permettent d’intervenir auprès des familles qui pourraient être touchées par le coronavirus. Les mesures sont strictes: elles ne doivent surtout pas quitter leur domicile sauf pour les cas nécessitant une hospitalisation. La communauté se chargera de leur fournir des produits alimentaires et des équipes médicales leur rendront visite durant ce confinement strict», note Doudou Bahmed.

Isolement dans la palmeraie

Au cours des deux derniers siècles, les ksour de la vallée du M’Zab ont été touchés par une série d’épidémies, essentiellement de choléra, de variole et de typhus. Brahim Cherifi, anthropologue, auteur d’une thèse de doctorat portant sur une étude d’anthropologie historique et culturelle qui a fait l’objet d’un ouvrage intitulé Le M’Zab (éditions Ibadica, Paris), indique à Sputnik que les habitants avaient pour tradition de mettre les malades en isolement dans la palmeraie.

«La personne infectée devait être en dehors du centre urbain pour éviter tout risque de propagation. Le malade était isolé dans la palmeraie, dans un lieu aéré et ensoleillé de façon à l’aider à se rétablir. Les habitants lui apportaient quotidiennement de la nourriture. De par la configuration de la région et sa situation au cœur d’une zone désertique, les ksour étaient plus ou moins prémunis contre les épidémies. Mais les Mozabites étant de grands commerçants, c’est eux-mêmes qui étaient les vecteurs de contagion lors de leurs voyages dans les autres régions d’Algérie ou dans les pays voisins», note Brahim Cherifi.

Préparer l’après-coronavirus

Au sein du Majliss Ba Abderrahmane El-Kourti, l’heure est à la réflexion. 

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La société mozabite joue un rôle important dans l’économie algérienne du fait de son engagement dans les secteurs de l’industrie et du commerce. «Les opérateurs économiques ont été impactés par la crise sanitaire. Nous leur avons demandé de commencer à réfléchir dès à présent à ce que sera l’après-coronavirus», souligne Doudou Bahmed.

Bien que la communauté soit très autonome et qu’elle ne compte pas trop sur les moyens de l’État, le coordinateur général du haut conseil des notables de la vallée du M’Zab n’exclut pas de saisir le gouvernement pour demander certaines mesures de soutien. «Sur le plan économique, nous devons gérer la crise qui se profile. À titre d’exemple, nous estimons que les autorités pourraient intervenir à travers certaines facilitations fiscales», précise-t-il.

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