«Les travailleuses du sexe ont respecté le confinement et se plient aux règles imposées pour protéger leur santé et celle de leurs clients. Mais du jour au lendemain, on s’est retrouvées sans aucun revenu. Pour beaucoup d’entre nous, cela veut dire de ne plus avoir de moyens de payer à manger ou son logement. On est passées d’une situation de précarité à une situation véritablement catastrophique», témoigne Anaïs de Lenclos, porte-parole du Syndicat du Travail du Sexe (STRASS) au micro de Sputnik.
«Travailleur du sexe», un cas d’auto-entrepreunariat un peu spécial
En France, la situation juridique des travailleurs du sexe est complexe: ils ont légalement le droit de travailler, d’être déclarés et de payer des charges. Mais aucune protection n’est prévue: pas de chômage, des aides sociales restreintes. «Les aides pour les micro-entrepreneurs concernent très peu d’entre nous, puisque notre situation est délicate», précise Anaïs de Lenclos.
«Concrètement, pour la majorité de travailleurs et travailleuses du sexe, on est totalement laissés à l’abandon. Dès les premiers jours, le STRASS et d’autres associations ont monté des cagnottes pour s’entraider», raconte Anaïs de Lenclos.
La porte-parole de STRASS déplore que ces aides «minimes» ne permettent pas d’aider à se loger, étant juste suffisantes pour se nourrir ou comme «kit de secours».
Le Syndicat du Travail du Sexe attend un geste du gouvernement
Anaïs, qui exerce dans le domaine depuis neuf ans, déplore que «les travailleurs du sexe soient sous-considérés et ne soient pas protégés comme les autres travailleurs». En cette période de confinement, elle trouve particulièrement «inadmissible» qu’ils ne soient pas protégés face à la pandémie de Covid-19 au même titre que les autres travailleurs.
«Ça pose le problème de l’absence de réponse de l’État à une situation qu’il a lui-même créée et qui relève de sa responsabilité. Quand on impose le confinement, il faut penser à toutes les catégories de population qui ne sont pas dans une situation “classique”, avec un bail à son nom et un travail salarié», fustige Anaïs.
«Ce n’est pas de gaité de cœur que l’on choisit de travailler. Pour ceux qui ont repris leur activité, c’est très compliqué au niveau sanitaire, connaissant les voies de transmission du virus. Concrètement, il est impossible de respecter la distance sociale, de rester dans les conditions sanitaires optimales», conclut Anaïs de Lenclos.
Ceux qui reprennent le travail ont donc peur pour leur santé, ils y vont par obligation. «Il faut choisir: être contaminé ou se retrouver à la rue et mourir de faim», assure la syndicaliste. Face à ce dilemme, impuissant, la seule chose que STRASS peut faire, c’est de prodiguer quelques bons conseils de conduite.
«Le point noir aujourd’hui, c’est l’hébergement d’urgence»
«Le point noir aujourd’hui, c’est l’hébergement d’urgence. Un certain nombre de femmes se trouvent en difficulté face aux pressions et violences qu’elles subissent de la part de leur proxénète, qui les poussent à aller chercher les clients, à rapporter de l’argent», détaille Claire Quidet.
Les travailleurs du sexe «n’ont plus aucun moyen de subsistance et ne peuvent plus payer leur loyer ou un hébergement partagé». Le Mouvement du Nid peut «apporter une aide financière à minima», mais le «besoin criant», c’est l’hébergement d’urgence individuel, «puisque les risques sont grands dans l’hébergement collectif.»
Le Mouvement attend une implication «plus volontariste» de l’État
Pour pallier ce problème, l’association met en œuvre tous les partenariats possibles, avec toutes les autres associations qui se mobilisent en faveur des sans-abri ou des femmes victimes de violences. «On partage nos ressources associatives», souligne Mme Quidet.
«Il y a également les systèmes mis à disposition par l’État. Via le 115, on trouve encore des hébergements d’urgence dans certains départements de province. Ce n’est pas le cas pour la région parisienne», déplore Claire Quidet.
«On souhaite que ces commissions, qui peuvent travailler comme tout le monde à distance, se mobilisent pour établir un protocole avec des associations comme la nôtre, en recensant les centres d’hébergement spécialisés, les places disponibles, si besoin en réquisitionnant des chambres d’hôtel», propose la porte-parole du Mouvement du Nid.
Claire Quidet déplore un «relais au niveau de l’État qui est aujourd’hui insuffisant», puisque les associations «se débrouillent comme elles peuvent» et font travailler leurs réseaux. «Cela doit être pris d’une manière beaucoup plus ferme et plus organisée, plus structurée par l’État», fustige Mme Quidet, qui a déjà envoyé des requêtes aux différents ministères. Rassuré sur la question des personnes dont l’autorisation de renouvellement de séjour est arrivée à échéance et qui devaient repasser en commission, puisque «les autorisations de séjour sont automatiquement prolongées de trois mois», le Mouvement du Nid ne relâche pas la pression sur le gouvernement. Ainsi, malgré le fait que les bénéficiaires des «parcours de sortie» ne peuvent pas justifier tout ce qui est mis en œuvre dans ce cadre –cours de français, rendez-vous à Pôle emploi– les parcours de sortie sont prolongés de six mois, avec les aides financières correspondantes.
«Sur toute la France, entre 200 et 250 parcours de sortie passent par notre association. Ce n’est pas énorme, mais nous ne sommes qu’au début de la mise en œuvre de ce système, poursuit Claire Quidet. On peut témoigner à quel point ce dispositif est extraordinaire! Il faudrait mettre en place l’application de la loi d’une manière plus importante et plus volontariste.»