Avec désormais plus de 4.000 morts recensés, l’épidémie de coronavirus continue de frapper durement la France. Dans le sillage de cette crise sanitaire inédite, les conséquences économiques se font déjà sentir. Les mesures prises par le gouvernement afin d’enrayer la propagation du virus ont des conséquences très importantes pour le portefeuille de beaucoup de Français. Dans un tel contexte, le marché de l’immobilier est quasiment à l’arrêt.
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— Stéphane Plaza Immobilier - Brétigny sur Orge (@SPI_Bretigny) March 30, 2020
Réputé comme valeur refuge en cas de crise, l’immobilier pourrait souffrir grandement de l’épidémie de Covid-19 et des mesures de confinement. Certains observateurs, tels que le Conseil supérieur du notariat, anticipent une baisse importante. Jean-François Humbert, son président, a récemment prédit dans les colonnes du Parisien une chute «des prix de 10 à 15%». D’après lui, si le confinement venait à durer deux mois, ce serait «une vraie catastrophe». Interrogé le 1er avril sur le calendrier envisagé pour la fin du confinement, qui est pour le moment fixé au 15 avril, le Premier ministre Édouard Philippe a jugé «probable que nous ne nous acheminons pas vers un déconfinement général et absolu, en une fois et pour tout le monde.»
Sputnik France a interrogé Jean-Marc Torrollion, président de La Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM). Selon lui, si le marché devrait bien souffrir pendant un temps, notamment sur les volumes, il n’anticipe pas d’effondrement des prix. Entretien.
Jean-Marc Torrollion: «D’abord, il s’agit d’une crise inédite. Nos prédictions ne se basent donc que sur l’expérience que nous avons. J’ai connu trois crises. La première en 1990, avec l’éclatement d’une bulle immobilière, qui a entraîné une chute de l’activité et une baisse des prix de l’ordre de 9%. Le marché est resté atone pendant environ quatre à cinq ans à la suite de ce choc. Il a ensuite fortement redémarré à la fin des années 90. Ensuite, il y a eu l’éclatement de la bulle Internet au début des années 2000. Paradoxalement, cela a été plutôt bon pour le marché de l’immobilier, car même si les taux d’intérêt étaient encore relativement élevés à l’époque, le marché s’est emballé et nous avons assisté à une hausse des prix. Enfin, il y a évidemment eu la crise financière de 2008 qui a entraîné un arrêt brutal du marché.»
Sputnik France: Avec quelles conséquences?
Jean-Marc Torrollion: «Nous avons constaté une chute très importante des volumes, de l’ordre de 25%, mais la baisse des prix a été beaucoup plus marquée, de l’ordre de 8 à 9%. Les gens oublient souvent comment fonctionne le marché de l’immobilier. En 2019, vous avez eu plus d’un million de vendeurs qui ont trouvé plus d’un million d’acheteurs. Le marché de l’immobilier se régule par le désir des individus à vendre ou acheter et non pas par la production. On constate souvent qu’en période de crise, l’immobilier se stabilise en volume sur une activité faible, mais avec des prix qui tiennent relativement bien la route, à partir du moment où il n’y a pas de bulle, ce que nous croyons à la FNAIM. Quand vous êtes vendeur, si le prix ne vous convient pas, vous vous retirez de la vente. Un vendeur qui avait pour projet de céder son bien peut très bien revenir sur sa décision si les prix du marché ne lui conviennent pas. Il existe également une solution de repli: la mise en location. Il est très difficile de faire des pronostics, mais je ne parierais pas sur une baisse aussi prononcée que celle envisagée par le président du Conseil supérieur du notariat.»
Jean-Marc Torrollion: «Les taux d’intérêt seront la clé. S’ils restent bas, ce que j’espère, et que les banques ne se montrent pas trop sélectives dans leurs allocations de ressources, le marché devrait repartir d’ici un an ou un an et demi. La valeur refuge de l’immobilier est en train d’apparaître aux yeux de tous aujourd’hui.»
Sputnik France: Quelles zones seront les plus touchées?
Jean-Marc Torrollion: «Au niveau géographique, les villes qui auront le plus souffert économiquement de la crise seront les plus touchées par la baisse du marché immobilier. Les grandes métropoles accuseront le coup et repartiront assez vite. Les marchés secondaires souffriront plus que les marchés principaux en termes de volumes.»
Sputnik France: L’immobilier jouera-t-il son rôle de valeur refuge en ces temps difficiles?
Jean-Marc Torrollion: «Le secteur de l’investissement immobilier ressortira, je pense, plutôt renforcé de cette crise. Si vous avez investi dans l’immobilier, vous avez touché vos loyers fin mars. Si vous avez tout investi en bourse, vous avez de grandes chances d’avoir accusé des pertes. Je pense qu’actuellement, les gens qui ont investi dans l’immobilier sont contents de l’avoir fait.»
Sputnik France: Pourrait-on assister à une baisse des loyers?
Jean-Marc Torrollion: «Ce n’est pas exclu dans la mesure où il existerait un problème de ressources financières au niveau des locataires, notamment à cause de licenciements massifs. Mais je n’y crois pas à court terme.»
Jean-Marc Torrollion: «Il existe une expression française qui dit: “C’est quand la marée descend que l’on voit ceux qui ont gardé leur maillot de bain.” Nous mesurons actuellement la réalité de la situation, entre ceux qui affirmaient avoir pris le tournant de la digitalisation, ceux qui en parlaient beaucoup, ceux qui en parlaient peu et ceux qui l’ont fait. Je constate que dans notre secteur de l’administration de biens et de l’agence immobilière, nous avons réussi notre mutation en mettant beaucoup de gens en télétravail et en assurant une continuité de service. Les loyers sont payés, nos propriétaires et artisans sont rémunérés et nos locataires peuvent compter sur nous en cas de problème d’équipement dans le logement. Les copropriétés sont entretenues. La chaîne de continuité de services fonctionne. Évidemment, actuellement, il n’y a pratiquement plus une visite, donc nous sommes plutôt dans une optique de rassurer nos clients en attendant la reprise. De l’autre côté, les notaires ne fonctionnent plus ou mal, de même que les administrations locales ou le service de la publicité foncière. La crise actuelle montre qu’un certain nombre d’acteurs ont réussi à profiter des avancées technologiques pour évoluer, d’autres non. L’avenir sera dans la digitalisation et l’optimisation de nos outils. Je pense que la “legal tech” jouera notamment un grand rôle dans le futur. Les actes seront dématérialisés et toute la chaîne des acteurs de l’immobilier sera revue à l’aune de cette digitalisation.»