État d’urgence indéterminé en Hongrie: «On a une situation en France qui est, à de nombreux égards, comparable»

© AP Photo / Virginia MayoFrench President Emmanuel Macron, center, greets Hungarian Prime Minister Viktor Orban, right, during a breakfast meeting at an EU summit in Brussels, Friday, June 29, 2018
French President Emmanuel Macron, center, greets Hungarian Prime Minister Viktor Orban, right, during a breakfast meeting at an EU summit in Brussels, Friday, June 29, 2018 - Sputnik Afrique
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Bruxelles durcit le ton avec le gouvernement hongrois et ne fait pas économie de superlatifs pour dénoncer les mesures d’urgence prises par Budapest pour faire face au coronavirus. Pourtant celles-ci ne sont pas si différentes de celles prises en France. Alors, mesures légitimes ou putsch constitutionnel en Hongrie?

Viktor Orban n’est pas près de se défaire de l’image de populiste dictatorial qui lui colle à la peau à Bruxelles, bien au contraire. La capitale européenne a publié un communiqué, signé pour le moment par treize États membres, qui condamne la loi spéciale «coronavirus» votée par le parlement hongrois le 30 mars et qui permet au Premier ministre de gouverner par ordonnances pour une durée indéterminée.

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«Dans cette situation sans précédent, il est légitime que les États membres adoptent des mesures extraordinaires pour protéger leurs citoyens et surmonter la crise. Nous sommes toutefois profondément préoccupés par le risque de violations des principes de l’État de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux résultant de l’adoption de certaines mesures d’urgence», indique le communiqué. 

Parmi les signataires de ce communiqué se trouvent notamment la Belgique, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne et la Grèce. Pourquoi cette loi fait-elle donc si peur aux chancelleries européennes? Pour faire simple, elle permet au Premier ministre Viktor Orban de gouverner par ordonnance jusqu’à ce que l’«état de danger» (comprendre la pandémie) soit terminé, une limite trop floue aux yeux des États membres.

Crainte d’une dictature au sein de l’Union européenne

Ne connaissant pas la durée de l’épidémie, cette loi n’a pas de fin gravée dans le marbre et c’est ce qui inquiète énormément Bruxelles. Certains redoutent que Viktor Orban n’utilise cette loi pour accaparer indéfiniment le pouvoir, coronavirus ou pas. De fait, on peut lire dans la presse des termes extrêmement fort comme «putsch constitutionnel» ou encore «coup d’État» pour la décrire. Sont-ils justifiés? Au micro de Sputnik France, un avocat franco-hongrois, qui a étudié le dossier de près, tend à nuancer ces propos:

«Parler de “putsch constitutionnel” reviendrait à dire qu’Orban n’a pas respecté la Constitution, or ce n’est pas le cas, il a suivi la procédure parlementaire», précise la source de Sputnik, qui a préféré conserver l’anonymat.

Néanmoins, il convient selon cette même source de rester lucide face à cette situation: «cette loi lui donne tout de même les pleins pouvoirs pour une durée illimitée, sauf intervention du Parlement, qui est contrôlé à deux tiers par son parti».

Une situation pas si différente en France

Cette situation a-t-elle vocation à s’inscrire dans la durée, même une fois la crise du coronavirus terminée? «Cela pourrait être le cas. Légalement, rien ne l’en empêche, surtout qu’il a une majorité au Parlement». Néanmoins, cette même source tempère: «même si Orban est quelqu’un qui aime être à la limite, il reste un acteur rationnel. Il n’a aucun intérêt à terme à poursuivre une telle politique et se mettre définitivement à dos Bruxelles.»

​En effet, au regard de sa situation économique, sanitaire ou encore militaire, la Hongrie n’a objectivement aucun bénéfice à tirer d’un conflit politique ouvert avec Bruxelles, explique cette même source. De plus, dans la configuration d’état d’urgence, Viktor Orban ne pourrait conserver les manettes que tant qu’il est soutenu par le Parlement ou qu’il est lui-même réélu. Parler de coup de force serait pertinent s’il annulait l’un ou l’autre scrutin, tous deux prévus en 2022.

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Enfin, selon l’avocat franco-hongrois, il y a un certain degré d’hypocrisie de la part d’observateurs politiques et médiatiques à monter au créneau pour fustiger la Hongrie, alors même que les mesures prises en France pour faire face à la crise sanitaire sont assez voisines de celles prises en Hongrie.

«On a une situation en France qui est, à de nombreux égards, comparable: même si notre état d’urgence est limité à deux mois, il peut être renouvelé par le Parlement, qui est contrôlé par le parti présidentiel. Même s’il y a une pression juridico-administrative plus forte en France, la seule différence est que l’état d’urgence sanitaire est limité dans le temps, mais il peut être prolongé.»   
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