Le même jour, mercredi 25 mars, Emmanuel Macron a prononcé une allocution télévisée depuis Mulhouse, alors que Vladimir Poutine s’adressait aux Russes pour parler des mesures supplémentaires qu’il comptait prendre dans la lutte contre le coronavirus.
Confinement et suivi à la trace
Même si on ne sait pas encore si les autorités russes prévoient d’appliquer des amendes pour la violation de ces règles, on sait déjà comment ils envisagent d’effectuer les contrôles. Aux 100.000 caméras qui surveillent déjà les confinés à l’aide du programme de reconnaissance faciale NtechLab, s’ajouteraient l’utilisation d’applications mobiles et de QR-codes, ainsi que la surveillance via le GPS des téléphones portables. Des méthodes appliquées en parti déjà en Chine, en Corée du Sud et envisagées en France.
Le destin des «groupes fragiles», thermomètre de la société
Gueorgui Chepelev, le président du Conseil de coordination des compatriotes russes en France, confirme ce point commun aux discours des Présidents russe et français: «la solidarité et le soutien à ceux qui ont souffert et souffriront de l’épidémie et de la crise économique qui s’ensuivra».
«Dans ce sens, le programme des autorités russes semble plus clair et vise plus directement à aider les citoyens, pas seulement les entreprises, tandis que dans le discours du Président Macron, l’accent a été mis sur l’aide aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises dans leur ensemble», nuance Gueorgui Chepelev.
Par contre, il semble pour l’instant que le Président de la République «soit allé plus loin que son homologue russe [sur ce volet social, ndlr]», puisqu’il a mis l’accent sur les sans-abri. Mieux, Emmanuel Macron a déjà visité une structure d’accueil et a rencontré des assistants sociaux.
«Il ne s’agit pas seulement d’une mesure antiépidémique (les sans-abri sont un groupe à risque et un facteur de risque pour les autres), mais d’un message social fort: la République ne laissera pas les plus faibles en difficulté», souligne M. Chepelev.
Pour le représentant des expatriés russes en France, il est «malheureux» que ce problème n’ait pas encore été évoqué en Russie dans le cadre de lutte contre l’épidémie.
Quarantaine des personnes contre «quarantaine des libertés»
En France, qui devance la Russie dans le «calendrier» de l’épidémie de deux semaines, les stocks insuffisants d’équipements de protection et de soin demeurent l’un des problèmes récurrents depuis le début de l’épidémie.
«Le problème [des moyens de protection, ndlr] n’est pas encore résolu [en France, ndlr], malgré tous les efforts du gouvernement. Quelle est la situation en Russie?» s’interroge Gueorgui Chepelev.
«Les mesures de quarantaine à Moscou divergent de celles mises en place en France, mais la société russe est-elle prête à “mettre en quarantaine ses libertés”, de mouvement, de consommation ou de communication», s’interroge M. Chepelev.
L’expert présage que «l’épidémie aura de graves conséquences pour nos sociétés»: «beaucoup perdront des êtres chers et des amis. Il y aura une grave crise économique avec une baisse de la production, la faillite de petites et moyennes entreprises, des licenciements massifs, la ruine de familles pauvres, la montée du chômage et des tensions sociales.»
«Être prêts pour la crise mondiale» avec la conscience du destin commun de l’humanité
«Être prêts pour la crise mondiale» est une priorité pour le président du Conseil des compatriotes russes en France. Cela ne représente pas seulement à ses yeux le fait de stocker et préparer les armes nécessaires à combattre l’épidémie, mais également de «comprendre comment nos sociétés et nous-mêmes devons changer pour survivre à cette crise avec le moins de pertes possible et de ne pas permettre la suivante.»
«Je ne doute pas que la société doive devenir plus solidaire en partageant équitablement ses revenus entre tous. La médecine, les médecins et la science dans son ensemble devraient jouer un rôle beaucoup plus important. Il ne devrait pas y avoir de médecine “à deux vitesses”– une payante de haute qualité et le minima gratuit», souligne Gueorgui Chepelev.
Comme beaucoup, l’expert regrette qu’à l’heure actuelle, chaque pays se batte pratiquement seul contre l’épidémie, et que «les efforts de la Chine, de Cuba, de la Russie pour aider d’autres États restent une exception à la règle». Il trouve «inacceptable» que la production de produits stratégiques, tels que les masques médicaux, par exemple, soit concentrée presque exclusivement en Chine, qui a été la première victime de l’épidémie, et qu’en conséquence, les pays européens, dont la France, se soient retrouvés sans la quantité nécessaire de moyens de protection.
«Le rôle de l'État devrait être nettement plus élevé, en soutenant les citoyens faibles et à faibles revenus. Il y en aura beaucoup plus désormais. Mais si l'État a plus de pouvoirs, cela signifie qu'il devrait devenir encore plus démocratique, transparent et contrôlé par la société civile» , conclut Gueorgui Chepelev.