«Ils nous ont dit qu’il n’y a aucune raison scientifique de penser que cela pourrait être plus dangereux que d’aller faire ses courses», assurait le 13 mars Édouard Philippe.
Moins de 48 heures avant le premier tour des élections municipales, au lendemain d’un premier discours d’Emmanuel Macron dédié à la crise du coronavirus, le Premier ministre défendait le choix du chef de l’État de maintenir l’échéance électorale malgré la crise sanitaire.
Il n’y a aucune raison scientifique de penser qu’il serait plus dangereux d’aller voter que d’aller faire ses courses. #covid_19 #Le13H pic.twitter.com/qWCssh0sG3
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) March 13, 2020
«Franchement, s’ils peuvent sortir pour aller faire leurs courses ou pour faire une promenade, je ne vois pas pourquoi on leur dénierait le droit d’aller voter», répondait-il à une question portant sur les personnes de plus de 75 ans, que le Président de la République avait invité, la veille, à rester chez elle.
Citons à titre d’exemple cet assesseur de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) hospitalisé dans un état critique, ou cette autre à Billom (Puy-de-Dôme), âgée 62 ans, admise au CHU de Clermont-Ferrant, comme le relate le maire de la commune, lui-même malade, à Ouest-France.
Élus, candidats et assesseurs touchés par le Covid-19 dans toute la France
Le quotidien régional revient également sur les «suspicions de contamination le jour du scrutin» signalés par des élus et des candidats en Seine-Saint-Denis, à Versailles, dans le Val-d’Oise ou encore le XVIIe arrondissement de Paris. À Coudekerque-Branche (Nord), sur 35 élus, sept sont positifs au Coronavirus et 10 autres présentent des symptômes.
«Si la démocratie n’a pas de prix, elle a un coût sanitaire pour nous. La moitié de mon équipe est hors-jeu», déclarait à l’AFP David Bailleul, maire (sans étiquette) de la commune.
Autre ville où élus et candidats ont été particulièrement touchés, Marseille, où plusieurs candidats Les Républicains (LR) ont été testés positifs au coronavirus. Témoignage d’une campagne qui s’est avérée à hauts risques pour le personnel politique, militants, candidats et élus, bien que ces derniers aient pu être exposés à des personnes contaminées avant le jour du scrutin.
Élections dont le report du second tour sera finalement annoncé par ce même Président, quatre jours plus tard, toujours en s’appuyant sur les recommandations du Conseil scientifique, dont un autre avis, la veille au soir du scrutin, avait incité Édouard Philippe à faire fermer tous les commerces non essentiels afin d’endiguer la propagation de l’épidémie.
Après l’opposition, la faute aux maires?
Tous comme le président du Sénat, le Conseil constitutionnel ou le Conseil scientifique entourant l’exécutif avant eux, les maires n’ont-ils pas du endosser à leur corps défendant la responsabilité d’éventuelles contaminations au cours du scrutin à venir, lorsque le Premier ministre leur a témoigné, sur le plateau du 13h de TF1 toute sa confiance pour mettre en œuvre les «bonnes pratiques» lors de ce scrutin?
Mais au-delà du maintien ou non de ce premier tour, le danger ne résidait-il pas pour beaucoup de membres du personnel politique local dans la campagne elle-même? À Drancy (Seine-Saint-Denis) deux conseillers municipaux sont morts du coronavirus et les maires de trois communes du département (Tremblay-en-France, Sevran et Épinay-sur-Seine) sont hospitalisés.
En Italie, un match de foot, «bombe biologique». Et en France?
Ce maintien d’événements à risque en rappelle hélas d’autres. En France, si les médias pointent du doigt le rassemblement d’évangélistes à Mulhouse, la région du Rhin étant devenue l’un des principaux clusters en France, on semble oublier qu’un important match de football avait été maintenu le 26 février, dans le cadre de la Ligue des Champions. La rencontre entre l’Olympique Lyonnais et la Juventus de Turin avait vu l’arrivée dans la capitale des Gaules de 3.000 spectateurs italiens. Face à cela, même les médias d’État français avaient relevé des incohérences dans la communication gouvernementale française justifiant le maintien d’une telle rencontre.
Pas de telles pudeurs de l’autre côté des Alpes, où le maintien le 19 février de la rencontre entre Valence et l’Atalanta Bergame aurait contribué à faire «exploser les cas», selon un immunologue à Rome, Francesco Le Floche, dont l’interview dans la presse italienne a été repérée par nos confrères du Parisien. La même rencontre a été qualifiée par un médecin italien de «bombe biologique». Un qualificatif qui pourrait s’appliquer aussi bien au match du 26 février qu’au scrutin municipal?