«Il est compliqué pour le moment d'anticiper ce qu'il va se passer d'un point de vue économique et social même si, évidemment, il est clair que la déflagration sera énorme et bien plus grande qu'en 2008. Nous ne sommes pas seulement face à une bulle qui éclate mais bien face à une économie réelle en grande partie à l'arrêt.»
François Boulo, avocat et porte-parole des Gilets jaunes à Rouen, craint, comme la plupart des observateurs, que la crise liée à l'épidémie de coronavirus n'entraîne des conséquences terribles au niveau économique et social. Avec plus de 246.440 cas d'infection détectés dans 161 pays et territoires et un bilan qui dépasse désormais les 10.000 morts, l'épidémie a contraint de nombreux gouvernements à travers la planète à prendre des mesures draconiennes pour lutter contre la propagation du virus.
C'est un "coronapococalypse" pour les non-salariés, les intermittents (restauration notamment), les indépendants, les CDD très courts, etc.
— phil.bechade (@pittbull_grrr) March 15, 2020
Ceux là ne sont ni payés, ni indemnisés (pour au minimum 2 mois): pour eux c'est déjà "game over"
Comme si une météorite venait de s'écraser
C'est notamment le cas de la France où, depuis le 17 mars, un dispositif de confinement a été mis en place sur l'ensemble du territoire pour 15 jours au minimum. Une période qui devrait, selon toute vraisemblance, être prolongée. Avant cela, le Premier ministre Édouard Philippe avait annoncé la fermeture des 75.000 restaurants, 40.000 bistrots et cafés ainsi que des 3.000 discothèques de l'Hexagone. De nombreuses entreprises ont également vu leur activité baisser ou cesser, et des milliers d'employés sont ou vont se retrouver en chômage partiel.
«Les pertes seront considérables, des entreprises feront faillite. Des défauts de paiement sur les crédits vont intervenir et mettre en grande difficulté les banques, possiblement jusqu'à la faillite. Les réactions en chaîne seront colossales», prévient François Boulo.
«La grande question est la suivante: quelles sont les grandes décisions de rupture sur le plan économique et social que prendra Macron, comme il l'a expliqué lors de son discours du 12 mars?», s'interroge l'avocat figure des Gilets jaunes. Pour le moment, le Président de la République a d'ores et déjà annoncé débloquer 300 milliards d'euros pour soutenir l'économie.
«Macron est en train de redécouvrir le rôle capital de l'État dans l'économie ainsi que l'importance de la souveraineté en matière économique comme industrielle», note François Boulo.
Un changement d'époque?
Un soutien de l’État et de la Banque de France pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires a également été mis sur la table, tout comme le maintien de l'emploi dans les entreprises par le dispositif de chômage partiel simplifié et renforcé. Sera également mis en place un appui au traitement d’un conflit avec des clients ou fournisseurs par le médiateur des entreprises. L'État et les collectivités locales reconnaîtront le coronavirus comme un cas de force majeure pour leurs marchés publics. Ce qui signifie que pour tous les marchés publics d’État et des collectivités locales, les pénalités de retard ne seront pas appliquées.
«Est-ce que toute cette crise va les faire changer de logiciel? J'ai quand même de gros doutes et je n'ai pas confiance en les gens qui nous ont conduits dans cette situation en détruisant notamment l’hôpital sur l'autel de l'ultra-libéralisme», s'interroge François Boulo.
D'après le porte-parole des Gilets jaunes à Rouen, les citoyens les plus aisés devront être mis contribution: «Si l'on veut limiter la casse au maximum, il faudra faire payer les ultra-riches pour compenser les pertes économiques liées au confinement et à l'arrêt de l'activité. Le gouvernement aurait par exemple pu annoncer le rétablissement de l’impôt sur la fortune qui permettrait de récupérer 5 milliards d'euros par an.»
Au moins, c’est clair. La reconstruction du monde d’après, ce sera tous ensemble, mais sans eux.
— François Boulo (@BouloGiletJaune) March 19, 2020
Le crédit impôt recherche (CIR) coûte 6 milliards par an et ne sert à rien !
Si on l’attribue effectivement à la recherche (publique), c’est pas 5 mais 60 milliards sur 10 ans ! https://t.co/OaUAEhLt5T
La crise économique liée au coronavirus intervient dans un contexte social déjà très pesant en France, qui a vu s'enchaîner le mouvement des Gilets jaunes ainsi que la réforme des retraites. «Cette crise arrive à un moment où les gens sortaient de leur léthargie pour se rebeller contre la politique du gouvernement actuel et celle que l'on subit depuis des années. Nous l'avons notamment constaté avec les Gilets jaunes ainsi qu'avec la lutte contre la réforme des retraites qui a vu la plus longue grève de l'histoire de la 5e République», affirme François Boulo. L'avocat pense que la situation actuelle marquera un tournant majeur:
«Cette crise sanitaire, financière et économique que l'on vit actuellement va réveiller encore bien plus de citoyens et il est certain que nous allons atteindre une masse critique qui fera que plus rien ne sera comme avant.»
François Boulo appelle également les citoyens à ne rien céder dans le temps concernant les restrictions des libertés individuelles imposées actuellement dans le cadre du confinement:
«Si elles sont compréhensibles en périodes de crise, il faudra tout de même être vigilant afin qu'elles soient circonscrites dans le temps et qu'elles cessent à partir du moment où elles ne seront plus nécessaires.»