En proie à la mauvaise gouvernance, écrasée par les inégalités et terrassée par les crises sociopolitiques, l’Afrique a besoin d’une «nouvelle race de dirigeants», plaide Viviane Ondoua Biwole. Dans un entretien à Sputnik, cette universitaire camerounaise fait le procès des worst practices qui ont la peau dure sous les cieux africains. Se référant au dernier rapport de la fondation Mo Ibrahim sur la gouvernance africaine, la professeure associée à l’université américaine de Yale décrit les différentes facettes que recouvre cette réalité.
«Dans le domaine de l’éducation, le décalage entre l’offre d’enseignement et les besoins du marché de l’emploi est un sujet de préoccupation croissant. Dans le secteur de la santé, l’urgence d’améliorer la disponibilité et l’accessibilité, notamment financière, des services de santé de base. En matière d’agriculture, on observe une détérioration des indicateurs en termes de sécurité alimentaire. Pour ce qui concerne l’économie, la prospérité est une préoccupation importante de même que la diversification des exportations, l’accès de tous à l’électricité, les infrastructures de transport, les investissements dans le secteur rural et l’intégration régionale», énumère Viviane Biwole.
La bonne gouvernance arrimée à la réalité
Concept fourre-tout, la bonne gouvernance conditionne les prêts accordés aux pays africains, en même temps qu’elle constitue, dans les classements pays, la base de notation des bons élèves (et de stigmatisation corrélative des derniers de la classe). Toutefois, elle peut s’avérer une réalité difficile à appréhender.
«La bonne gouvernance s’appuie sur des principes de base tels que l’efficacité, l’efficience, la pertinence, l’équité, la durabilité, l’éthique, la transparence, l’inclusion et le respect de l’environnement.»
Dans son pays le Cameroun, «la croissance observée [de l’ordre de 4,1% en 2019, ndlr] ne s’est pas accompagnée d’une baisse significative de la pauvreté et les inégalités se sont plutôt accrues». Par ailleurs, les entraves à la bonne gouvernance sont légion, comme l’attestent, par exemple «des retards importants dans l’exécution des projets structurants», regrette cette auteure en 2015 de La budgétisation par programme en Afrique subsaharienne, entre balbutiements et résistances (Éditions Eburnie).
«C’est une situation qui ne laisse aucun dispositif de gouvernance sans impact. Tous les secteurs de la vie seront touchés, le dispositif de gouvernance est un système aux composantes interreliées. La gouvernance est un 'tout homogène' donc quand il y a une crise qui se déclenche, sans doute le dispositif de gouvernance dysfonctionne-t-il», décrypte Viviane Biwole.
Persistance des rapports de force et de pouvoir
Le contexte peut être différent ailleurs sur le continent et d’autres États africains peuvent se trouver mieux lotis. «Les pays de plus en plus cités en dehors de l’Afrique du Sud et du Nigeria sont le Ghana, le Rwanda, l’Éthiopie, le Kenya, la Côte d’Ivoire», compare la chercheure.