Les Armées fournissent un appui «très efficace, mais aussi très symbolique» contre le Covid-19

© AP Photo / Jean Francois BadiasUn soldat français lors de l'"Opération Sentinelle" devant la Cathédrale Notre-Dame à Strasbourg
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Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé dans son allocution télévisée le déploiement d’un hôpital de campagne en Alsace et le concours des armées pour déplacer les malades, le coronavirus a déjà infecté plus de 6.600 personnes et fait 148 morts en France. Interrogés par Sputnik, deux hauts gradés militaires commentent le rôle de l’armée dans cette crise
«Il n’y a rien de nouveau à cela. Ce sont les choses habituelles chez nous, en France: en cas de nécessité, d’urgence, quand les sécurités civiles ne suffisent pas et manquent de moyens, c’est à l’armée de leur porter secours», souligne le général Didier Tauzin, ancien candidat à la présidentielle de 2017.

Pour donner un exemple, le général cite le cas de la tempête de 1999, où les forces armées ont été mises à contribution afin de rétablir les infrastructures.

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L’amiral (2 S) Alain Coldefy rappelle au micro de Sputnik qu’il existe «deux cas de figure possibles» pour que l’armée intervienne sur le territoire national en temps de paix. Le premier se présente «quand ils ont des capacités que la société civile n’a pas», avec par exemple «des engins de génie pour déblayer le terrain après un tremblement de terre ou des transports comme lors de la grande sécheresse d’il y a quelques années, pour transporter le fourrage.» 

«Une règle de base: quand une capacité civile est insuffisante ou inexistante, et que les Armées la possèdent en tant que telle, elles la mettent à disposition», résume l’amiral Alain Coldefy.

Le deuxième cas: «les militaires en tant que citoyens apportent leur concours à leurs concitoyens en danger». Les deux cas restent indépendants de la sécurité intérieure ou du terrorisme, avec des dispositions particulières et encadrées.

«Nous sommes dans le premier cas. Il y a une pandémie et le système de santé civile est saturé, précise l’amiral Alain Coldefy, les Armées fournissent un complément.»

D’après l’amiral, il s’agit d’un complément «à la fois très efficace, mais aussi très symbolique», puisqu’«en France, après les réductions d’après la Guerre froide, le service de santé des Armées ne représentent que 1% de la santé civile.»

Le service de santé aux Armées, le meilleur d’Europe

Ce qui ne l’empêche pas d’être «le meilleur en Europe, le plus rodé lors des opérations extérieures». Ainsi, les personnes infectées par le virus Ebola ont-elles étés prises en charge dans les hôpitaux de l’armée. Même si la puissance des services de l’armée peut paraître dérisoire face aux capacités du secteur civil –près de 2.000 médecins militaires pour 200.000 médecins civils, «il s’agit d’un petit complément».

«Il y a aussi un symbole: en dernière minute, le gouvernement fait toujours appel à l’armée, signale l’amiral Coldefy. C’est comme avec l’anthrax en 2001: on a toujours été dans ce rapport de 1/100, mais le ministre de la Santé a tenu à intervenir avec, à sa droite, le directeur de la Centrale des services de Santé, un médecin en uniforme».

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L’intervention symbolique peut paraître dérisoire, surtout, si on tient compte des proportions d’effectifs entre professionnels de l’armée de Terre, «autour de 100.000 hommes», face aux forces de sécurité civile en France, avec «100.000 policiers, 100.000 gendarmes, 20.000 policiers municipaux et toute la sécurité civile, soit près de 400.000 personnes». Mais ce «petit complément» reste pour l’amiral «tout à fait adapté», puisque les modules des armées permettront de mettre en place des services réanimation d’hôpitaux de campagne et du transport d’urgence.

«L’armée de l’air possède des avions équipés du dispositif Morphée pour transporter à distance des personnes en réanimation, s’il faut déplacer les malades à l’autre bout de la France», détaille Alain Coldefy.

Pour le général Didier Tauzin, l’intervention de l’armée n’est pas non plus complètement symbolique, puisque «ça sera des petites unités par ci, par la, pour aider, pour donner quelques lits supplémentaires, pour donner surtout des compétences supplémentaires» et surtout «pour donner de la fluidité dans les transports.»

«Mais c’est un tout petit coup de pouce, parce que les moyens sanitaires des armées ont été fortement réduits depuis bientôt trente ans. Maintenant, parfois il n’y a même pas assez pour les besoins propres des armées», déplore le général Didier Tauzin.

La situation épidémiologique se développe d’heure en heure et les mesures sont prises en fonction de cette évolution rapide.

L’évolution des mesures gouvernementales en perspective

Ainsi, chaque pays de l’Union européenne prend-il ses décisions à son rythme et l’ampleur des mesures est-elle très variable d’un pays à l’autre.

«Ce que l’on peut regretter, mais c’est un autre sujet, c’est qu’il n’y ait pas eu de décision commune de pays européens en matière de santé», regrette l’amiral Alain Coldefy.

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Face à la pénurie de masques, de gants et de gel hydroalcoolique, il va de soi que l’armée utilise son propre stock de protections individuelles. Sera-t-il suffisant? «Difficile à dire, parce qu’on n’a jamais assez, souligne Alain Coldefy.

«Il faut s’adapter intelligemment. On ne peut pas faire de stocks énormes en temps de paix, qui mobilisent de l’argent. Il s’agit d’une gestion intelligente des ressources financières et humaines, en France comme ailleurs», admet l’Amiral.

Assurant que «l’armée s’est équipée progressivement pour assurer la protection individuelle de ses personnels», le général Tauzin ne voit pas de difficulté particulière à l’emploi de l’armée dans le cadre de l’épidémie qui frappe la France. «Potentiellement, la seule chose qui peut se produire, c’est que les moyens de l’armée n’étant pas importants non plus, ils ne suffiront pas à donner la souplesse nécessaire au système de santé français», s’inquiète le général.

La Suisse mobilise également les militaires des services de Santé et logistiques 

Après l’état de nécessité décrété par le Conseil fédéral suisse, l’Armée de nos voisins helvétiques va convoquer ces prochains jours les militaires pour venir en aide aux services civils. Pour soulager le personnel du système de santé, les autorités suisses prévoient d’«engager des formations à disponibilité élevée.»

«Rien de comparable avec l’intervention en France, souligne Alain Coldefy. Les Suisses ont une armée permanente qui représente trois ou quatre régiments [un régiment compte entre 1.000 et 3.500 hommes, ndlr]. En revanche, ils ont un dispositif qui leur permet de monter très rapidement à 5 ou 6.000 hommes, pour des raisons qui leur sont propres. De plus, leur système leur permet de mobiliser jusqu’à 600.000 citoyens, un chiffre énorme!»

Le canton de Neuchâtel est passé en état d’urgence et a sollicité l’armée pour soulager son système sanitaire. Après le Tessin, puis le Jura et Bâle-Campagne, c’est le quatrième canton suisse à choisir l’option de la fermeture des commerces. Des hommes, du matériel et des véhicules ont été demandés à l’armée. D’après des sources locales, ils sont attendus d’ici une semaine.

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