Le film «Le Français» d’Andrei Smirnov, maître incontesté du cinéma intimiste et lyrique russe, pratique ce que l’on appelle dans le montage un «raccord direct». Des quais de Seine à une ambiance ensoleillée surexposée, on est transposé à Moscou, où l’aube du dégel de Khrouchtchev pointe à l’horizon.
Antoine Rival avoue que son implication dans le film l’a «beaucoup impacté»: «Je suis directement passé de la théorie à la pratique», confie l’acteur, dont la mère et la grand-mère sont russes.
«Les historiens éprouvent peut-être la même sensation, réfléchit Antoine, au moment de se plonger dans une époque, ses chiffres et ses dates… Mais quand tu joues la routine des gens, tu essayes le “costume de vie” de cette époque, c’est comme une machine à remonter le temps.»
Pour cet acteur qui vit en Russie depuis 10 ans, pays où il est également connu comme vlogueur, tourner dans un premier grand projet cinématographique a été l’occasion de «faire un parallèle avec les évènements qui arrivent aujourd’hui» et de retracer «intimement» la vie de sa famille. Il pense notamment à sa grand-mère, qui habitait près du lac Baïkal, dans la bourgade de Zakamensk, en Bouriatie, où sa mère est née. «Ils ont déménagé à Nijni Novgorod et ont vécu toute leur vie dans la débrouille, raconte le jeune acteur. Pour ma mère, c’était juste une partie de son enfance. Plonger dedans m’a permis de mieux la comprendre en tant que personne, de comprendre ses réactions d’aujourd’hui face à certains faits sociétaux.»
«C’est important de connaître l’histoire. C’est un film qui permet aux jeunes d’aujourd’hui de mieux comprendre leurs parents, ça rapproche», assure l’acteur pas encore trentenaire.
«Actuellement, c’est la même chose: quand je parle de la situation en France, les Russes comprennent qu’il y a une différence, mais ils ne la saisissent pas en finesse. Et même certains faits sociétaux français peuvent paraître osés aux libéraux russes», détaille Antoine.
«Quand tu vas en Russie, il y a plein de choses qui se débloquent de par le système russe “allez, go! On y va!” J’y ai réalisé plein de choses que je n’arrivais pas à réaliser en France, poursuit Antoine Rival. En France, on est très soutenu. J’aimerais bien que mes amis acteurs russes aient le même système de protection sociale. Mais en Russie, la vie vous donne un petit coup au cul et on retrousse ses manches.»
Le film peut être pour le spectateur l’occasion de faire à son tour des parallèles entre «hier et aujourd’hui», d’imaginer ce que sont devenus les jeunes des années 1950 et leurs idéaux, de se projeter dans l’univers «des Français qui vivent comme des Moscovites, simplement». «Ce qui est sûr, c’est que tous les Français que je rencontre à Moscou sont des personnes intéressantes», estime Antoine Rival.
«Les Russes aiment les Français et restent ouverts. Je pense que pour les Français aussi, un certain “Russian dream” existe», conclut l’acteur français.