L’Afrique reste peu touchée par la pandémie de coronavirus, mais la situation peut changer à tout moment, prévient le docteur Michel Yao, responsable des opérations de réponse aux urgences sanitaires en Afrique de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avant d’exposer l’état des lieux actuel en Afrique, concernant le Covid-19.
132 cas de coronavirus pour l’ensemble de l’Afrique
«Au moment où on parle, il y a à peu près 12 pays qui ont rapporté les cas, y compris les pays qui sont rattachés à la région de la Méditerranée, de l’OMS, et donc de la région africaine qui couvre 47 pays nous avons neuf pays qui ont rapporté des cas. Et la plupart de ces cas, ce sont des cas dits sporadiques importés des zones où il y a une transmission locale élevée en ce moment, par exemple de l’Europe. Il y a quelques groupes de personnes, notamment en Afrique du Sud et en Algérie, sinon pour le reste des pays il s’agit de cas sporadiques. Donc, nous avons à ce jour 52 cas au niveau de l’Afrique subsaharienne et à peu près 132 cas pour l’ensemble de l’Afrique».
Comme en Afrique il y a moins de cas que dans les pays européens, la situation semble être sous contrôle, mais le docteur Yao assure que tout peut changer brusquement. D’après lui, «le risque est très élevé suivant les localisations mondiales […], et avec les connexions que nous avons, les cas sporadiques qui arrivent à ce stade-ci pour l’Afrique nous sommes toujours dans la stratégie de confinement. C’est-à-dire s’assurer qu’à partir d’un seul cas on peut éviter la propagation».
Si la situation change, il faut s’attendre à une très forte létalité
En Afrique, la transmission locale est intense et au sein de la communauté il serait possible de se retrouver rapidement dans un scénario assez difficile, confie le docteur Yao.
«Notamment si on regarde ce qui se passe en Italie, là où il y a quand même une certaine capacité en […] soins intensifs. Ces capacités sont très minimes dans la plupart des pays d’Afrique. L’idéal, c’est de pouvoir gérer des cas sporadiques, mais lorsqu’on arrive à un nombre important de cas, on pourrait avoir alors une très forte létalité et une difficulté énorme pour les services actuels de traiter ces cas-là. Ce qui fait qu’il faut absolument détecter vite et contenir à un moment beaucoup plus précoce pour éviter cette contamination.»
Le manque d’équipement
En répondant à une question sur le traitement des cas en Europe et sur le continent africain, Michel Yao a souligné que la différence se trouvait dans «les équipements pour faire ce traitement, surtout dans la plupart des régions africaines».
«Il s’agit de patients, environ 14%, qui ont une forme sévère. Ils ont parfois besoin, par exemple, de traitement par l’oxygène, l’oxygénothérapie. Il y a beaucoup de structures en Afrique qui n’en ont pas. Donc, imaginez-vous que si nous avons plusieurs villes en dehors des capitales où le plateau technique reste très élevé. Maintenant, si nous avons, sur la base de ce que nous observons maintenant, à peu près 5% qui ont la forme critique qui nécessite une réanimation, et bien, les lits de réanimation sont très très limités en Afrique. On les a surtout dans les capitales.»
Il n’y a aucun autre pays qui soit à l’abri
Le manque de solidarité et de coopération sur le contrôle de la propagation du Covid-19 entre les continents est palpable, et Michel Yao rappelle l’importance des actions communes, car s’il y a «des cas qui persistent dans un des pays, il n’y a aucun autre pays qui sera à l’abri». Il explique que ce travail doit être fait avant que cela ne soit trop tard «c’est parti de très loin, de la Chine, d’autres pays ont été touchés. Donc, c’est comment de façon collective on peut mobiliser toutes les ressources au niveau mondial en s’assurant que les plus faibles sont aidés par les plus nantis, pour arriver de façon collective à arrêter cette épidémie».
«Je pense qu’il y a nécessité de plus d’engagement des leaders, que ce soit des leaders politiques ou communautaires. Il est absolument important qu’on prenne vraiment au sérieux cette menace qui est une menace de santé publique qui peut avoir un impact non seulement sur les services de santé, mais sur tous les autres secteurs d’un pays. Les exemples actuels doivent dicter que les dirigeants doivent mettre au cœur de leur agenda la lutte vraiment contre cette épidémie de Covid-19.»