Suwaidi avait alors entamé un bras de fer judiciaire avec Technip devant la justice du pays, lequel s’est donc achevé le 12 février par la condamnation définitive de l’ancien groupe tricolore par la Cour suprême d’Abou Dhabi.
Fusion Technip-FMC : quand le petit mange le gros
Sauf qu’entre-temps, l’entreprise française a été absorbée par l’un de ses ex-concurrents, l’américain FMC Technologies, lors d’un rapprochement encouragé par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie de François Hollande. Une fusion qui pourrait bien laisser l’ardoise émiratie à la charge de la France. Pour comprendre pourquoi, un retour en arrière s’impose.
Alors que Bercy clamait en 2016 qu’il naîtrait un «Airbus du parapétrolier» de ce qui était alors présenté comme un «mariage entre égaux», les Américains prirent rapidement le contrôle du nouveau groupe, comme le confirmait le Journal du Dimanche (JDD) en janvier 2019.
«La fusion a offert sur un plateau une pépite française avec soixante ans de technologie et plus de 2.500 brevets à son nom à un fabricant à la chaîne de connecteurs pour lequel seul compte le profit immédiat», se désolait auprès du JDD un ancien cadre de Technip.
En effet, si en matière de communication, l’expression «mariage entre égaux» est récurrente, une telle chose n’existe pas dans le monde de l’entreprise. Bien que Technip fût une firme bien plus conséquente et prédominante sur le marché que FMC Technologies, les termes de la fusion auxquels la France donna son blanc-seing stipulaient très clairement que le Français était absorbé par son concurrent texan.
200 millions d’euros, à Paris de régler la note
Comme si cela ne suffisait pas, le groupe issu de cette opération ficelée par Rothschild et Goldman Sachs et chapeautée à l’époque par l’actuel secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler -qui était alors directeur de cabinet d’Emmanuel Macron-, a fini par enregistrer 2,4 milliards de dollars de pertes nettes pour 2019. Il devrait bientôt se scinder en deux entités.
L’une, Technip Energies, sera basée à Londres et Houston ; elle reprendra les actifs les plus rentables de Technip, à savoir les activités sous-marines et d’assistance aux productions pétrolières et gazières. L’autre, TechnipFMC, basée à Paris, mais «immatriculée aux Pays-Bas», correspond au reste des activités du Français, notamment l’activité d’ingénierie et de construction de plateformes pétrolières, estimées moins rentables.
«Quant à savoir qui va hériter des litiges et passifs, aucune réponse n’a été donnée. D’après nos informations, la partie française devrait hériter de la facture, puisque l’activité correspond à son nouveau périmètre. Le rêve d’un "Airbus du parapétrolier" d’Emmanuel Macron et Alexis Kohler a bel et bien tourné au cauchemar», conclut Marianne.
Comme le relate l’hebdomadaire, Suwaidi Engineering Group «vient de mandater des avocats new-yorkais pour se faire payer» les 200 millions de dollars de commission qu’elle estime lui revenir.
FMC a-t-il siphonné les caisses de Technip ?
Fin 2016 déjà, selon nos confrères, l’entreprise émiratie affirmait «que le montant des commissions non payées se situe dans une fourchette de 90,3 à 150 millions de dollars». De quoi faire encore grimper la note pour l’ex-fleuron français, passé sous contrôle américain et fiscalement délocalisé en Hollande. Les Pays-Bas, un classique que l’on retrouve également dans le «mariage entre égaux» entre Peugeot et Fiat, alors même que Peugeot était à la base censé racheter l’Italo-américain…
Autre point gênant, la trésorerie dont jouit la partie française semble avoir fondu au profit de la partie américaine. Comme le dénoncent les syndicats, si Technip bénéficiait de 3,7 milliards d’euros au moment de la fusion, il ne resterait que 800 millions dans les caisses. Un «siphonage» des caisses de la filiale française réalisé «en catimini pour que les investisseur n’en aient pas connaissance» que révélait début février BFMTV, soulignant que Technip sortirait «très affaibli de cette séparation» avec l’Américain.