Touchée par une quatrième année de baisse des ventes, la filiale russe d’Auchan (Auchan Retail) est confrontée à des révélations de cas de corruption, écrivent Les Échos qui ont interrogé un avocat anti-corruption dont le contrat avec cette société n’a pas été renouvelé en octobre dernier.
Rentabilité décevante
Au vu de la baisse des ventes, plusieurs mises à l'écart ont eu lieu dans le top management. La réorganisation a été dirigée sur place, à la mi-février, par le président d'Auchan Retail, Edgard Bonte.
Réseaux de corruption
Alexeï Jarkov, avocat anti-corruption, a mené une enquête et a découvert cinq réseaux de corruption dans la société. Roué de coups de barre de fer à la tête en août dernier, il soupçonne l'un des cinq réseaux d'être derrière son agression en raison de son travail qui «provoquait de nombreuses gênes», explique-t-il aux Échos.
Après six semaines d’hôpital, l’avocat a appris en octobre le non-renouvellement de son contrat avec Auchan. Actuellement, il pense être mis sur la touche en raison de la découverte du «pot aux roses». François Rémy, alors directeur général d'Auchan Russie et à qui il rapportait le résultat de ses investigations, a été licencié.
«Entre 80 et 100 millions d'euros, soit de 2 à 3% du chiffre d'affaires réalisé en Russie, sont siphonnés chaque année grâce à cinq schémas de corruption, notamment aux marques propres, aux produits frais, aux fruits et légumes, mais aussi à la sécurité», a-t-il affirmé en se référant à des «dizaines de fournisseurs, certains prêts à témoigner».
Le mode de fonctionnement
L’expert a expliqué les mécanismes utilisé:
«Des responsables d'achat organisent cette corruption via des appels d'offres pipés, des hausses artificielles de prix, des faveurs pour la promotion de produits et d'autres irrégularités au service qualité et au contrôle financier, notamment sur la compliance», raconte-t-il. Il cite, par exemple, le cas des produits à marque propre : «100 des 450 fournisseurs représentent 80% des ventes. Pour la moitié d'entre eux, il y a corruption», a-t-il assuré.
L’avocat a suggéré de diversifier les sources d'approvisionnement après avoir repéré que certains directeurs des achats conservaient des fournisseurs pourtant chers. Sa proposition a néanmoins été rejetée.
Auchan Retail répond
Contacté par le média, le secrétaire général d'Auchan Retail, Pierre Büchsenschutz, a réagi à ces révélations.
Selon lui, la direction du groupe a été alertée concernant des suspicions fortes de corruption dans la filiale russe après la nomination d’Edgar Bonte. Afin de vérifier ces allégations et de prendre des mesures, elle a notamment conclu un contrat à durée déterminée avec Alexeï Jarkov.
«La direction du groupe a parallèlement poursuivi un certain nombre d'investigations, lesquelles l'ont amené à constater que les nouvelles actions menées alors en Russie ne répondaient pas assez rapidement à ses attentes», a-t-il déclaré, expliquant le licenciement de M.Jarkov par «une décision managériale qui n'a rien à voir avec d'éventuelles découvertes marquantes.»
L’avocat a déclaré ne pas avoir à ce stade de preuves suffisantes qui permettraient d'attaquer en justice des personnes physiques.