Le nouveau sondage réalisé par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) dans le cadre du Baromètre de la confiance politique constate «une nette remontée» de cet indice. Pourtant, il ne s’agit que d’une «hausse en trompe-l’œil», explique au sujet de son analyse Bruno Cautrès, qui a dirigé l’enquête de référence publiée en exclusivité dans L’Obs.
«Cette remontée […] s’explique en large partie par simple contraste avec la dixième vague de l’enquête, réalisée l’an dernier en pleine crise des Gilets jaunes, qui avait vu de nombreux indicateurs plonger fortement», a-t-il indiqué.
Et même si la mobilisation contre la réforme des retraites n’a pas eu d’impact aussi négatif que la crise des Gilets jaunes, la tendance reste inchangée.
«Les évolutions constatées entre l’an dernier et cette année ne remettent pas en cause les invariants de notre enquête, établis depuis maintenant 11 ans: les Français continuent de percevoir le personnel politique et le fonctionnement du système démocratique de façon négative, voire très négative.»
Nul doute que le récent recours au 49,3 par le gouvernement ne sera pas de nature à améliorer cette perception, constate L’Obs.
Des politiques «loin des préoccupations des Français»
Bruno Cautrès rappelle dans ce contexte qu’Emmanuel Macron s’était fixé pour «mission» fin 2018 de «réconcilier le peuple français avec ses dirigeants», mais que «la fracture démocratique qui sépare les élus et responsables politiques de l’image qu’en ont les Français» reste toujours présente.
«L’image dominante est toujours celle d’hommes et de femmes politiques peu empathiques, voire corrompus, loin des préoccupations des Français, parlant de manière trop abstraite», constate-t-il.
Le CEVIPOF a basé ses conclusions sur la comparaison des cinq années du mandat de François Hollande et des trois premières années de celui d’Emmanuel Macron. Les niveaux de confiance dans les institutions publiques nationales sont tous aujourd’hui au même niveau ou plus bas: 31% sous Hollande, 29% sous Macron pour l’institution présidentielle, 26% sous Hollande comme sous Macron pour le gouvernement et 37% sous Hollande contre 29% sous Macron pour l’Assemblée nationale.
Il faut cesser de se raconter des histoires :
— Eugène Daronnat ن (@EugeneDaronnat) May 31, 2019
- les Français n'ont plus confiance dans la politique,
- elle leur inspire méfiance, dégoût,
- la démocratie ne fonctionne pas bien...etc
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'enquête du @CEVIPOF. Et cela fait 10 ans que ça dure... pic.twitter.com/eVjrQzH3km
Ainsi, près des deux tiers des sondés considèrent que «la démocratie ne fonctionne pas bien en France», près des trois quarts jugent les hommes et femmes politiques «plutôt corrompus», tandis que 80% estiment qu’ils «ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens».
Et quand le CEVIPOF s’enquiert des sentiments des personnes interrogées lorsqu’elles pensent à la politique, ce sont les termes «méfiance» et «dégoût» qui arrivent en premier.
L’expert constate également «un accroissement des fractures et des clivages sociologiques en matière de confiance politique». Ainsi, la confiance dans l’institution présidentielle est de 36% chez les professions libérales et les cadres mais de 21% chez les ouvriers, elle s’établit à 35% chez les diplômés à bac +2 minimum et descend à 23% chez les moins diplômés.
France vs Allemagne et Royaume-Uni
Bruno Cautrès relève aussi une nouveauté de cette onzième vague du Baromètre de la confiance politique: la comparaison avec les situations au Royaume-Uni et en Allemagne, deux pays équivalents au plan économique et sociétal, mais concernés de manière différente par les effets de la mondialisation.
«En dehors de l’exception municipale, la confiance dans les institutions politiques est dramatiquement plus faible en France que dans les deux autres pays», a-t-il noté pour conclure.