Un édito de Jacques Sapir à retrouver en podcast dans l’émission Russeurope Express du 24 février.
C’est donc sur le futur qu’il convient maintenant de nous pencher. Que réserve le Brexit, que ce soit pour le Royaume-Uni ou pour l’Union européenne?
Réapparition d'un conservatisme social?
Les effets économiques de cette longue période d’incertitude, qui a couru du vote sur le référendum à l’entrée en vigueur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, a eu des conséquences négatives sur l’économie britannique. Mais bien moins que ce que l’on pouvait craindre, voir pour certains espérer...
Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent David Cayla, membre des Économistes atterrés et maître de conférences à l’université d’Angers, co-auteur avec Coralie Delaume de 10+1 questions sur l’Union européenne (Michalon, 2019).
De fait, l’économie britannique a bien résisté à ces incertitudes. Le chômage y est bas, les salaires sont en hausse, en partie d’ailleurs du fait de la décision de Boris Johnson d’augmenter le salaire minimum de 6% en début d’année, et l’activité économique reste meilleure que dans l’UE.
Certes, Nathalie Loiseau peut bien ironiser sur Twitter sur la croissance britannique nulle au quatrième trimestre de 2019. Mais c’est oublier que ce même quatrième trimestre fut désastreux en France, avec un recul du PIB de -0,1%, mais aussi en Allemagne ou en Italie. Pour les deux années qui viennent, le FMI annonce d’ailleurs une croissance outre-Manche légèrement supérieure à celle de l’UE.
Zero growth in the UK: no surprise, no good news. But for those who keep on saying that the EU is weak and the UK much stronger, well, no second thought ? UK economy saw zero growth at the end of 2019 - BBC News https://t.co/JBnUidnfe6
— Nathalie Loiseau (@NathalieLoiseau) February 11, 2020
Le Royaume-Uni devra relever des défis importants dans les prochaines années. Il devra accroître l’investissement et procéder à un rattrapage des rémunérations les plus basses. Le prédécesseur de Boris Johnson, Mme Theresa May, s’était déjà engagée à l’été 2016 à lancer une campagne de réindustrialisation de l’économie britannique. Très clairement, les espoirs soulevés par ces déclarations, d’ailleurs reprises par le nouveau Premier ministre, n’ont pas compté pour rien dans le ralliement d’une partie des électeurs traditionnels du Parti travailliste aux conservateurs.
C’est là l’aspect le plus intéressant du Royaume-Uni après le Brexit. On peut y voir la réapparition d’une vieille tradition britannique: celle du conservatisme social, qu’illustra Benjamin Disraeli à la fin du XIXe siècle et qui s’était dissoute dans l’idéologie libérale de ces quarante dernières années. Si Boris Johnson tient ses promesses, la vie politique britannique pourrait bien en être profondément changée.
Impossible «retour à la normale»
Mais il n’y a pas qu’en Grande-Bretagne que les années post-Brexit seront intéressantes. Ce divorce annonce en effet plusieurs crises dans l’Union européenne. Il y aura tout d’abord une crise budgétaire. La contribution britannique au budget de l’UE a disparu, or elle était importante. Certains pays, dont les Pays-Bas, se refusent à augmenter leurs cotisations. Le maintien du budget de l’Union sera donc difficile. Cela ne pourra se faire qu’au prix d’un accroissement de la contribution de pays comme l’Allemagne, la France ou l’Italie.
Cette crise de l’UE qui s’annonce aura nécessairement des répercussions dans notre pays. Il est temps, il est plus que temps, que l’on dresse un bilan de l’UE qui ne soit pas convenu, de ce qu’elle coûte à la France et des contraintes qu’elle impose. Bref, nous n’avons pas fini de parler des conséquences du Brexit…
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