Mediapart a rendu publiques le 25 février deux conversations téléphoniques de 2013 entre le journaliste Jean-Pierre Elkabbach et l'ex-ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux. Ce dernier était placé sur écoutes judiciaires dans le cadre de l’affaire libyenne, ce qu’il ignorait.
Mediapart révèle que le journaliste, qui officiait alors sur Europe 1, a conseillé le ministre avant l’interview sur ce qu’il devait dire à son micro.
«Tu vois, je te dis des trucs, prends mes notes. Tu les transformes à ta manière. Je crois que je ne te poserais pas de questions sur le Mali. Je m’en fous, sauf si tu dis: “Il faut que la France se retire… le plus vite possible”. Bon mais là tu prends des risques d’insécurité, tu vois?», lui a intimé le journaliste. Et l’ancien ministre de lui répondre: «Oui, oui, oui».
Plus loin, il lui a demandé de cibler Manuel Valls:
«Mais tu pourrais demander aussi, enfin quand je te pose la question. Est-ce que tu ne pourrais pas te demander où est passé Valls? C’est qu’il parle beaucoup à un moment donné, et il disparaît quand on a besoin d’ordre public».
«Sois l’antiraciste par excellence»
Un échange téléphonique a eu lieu le jour suivant, lors duquel les deux hommes ont cette fois abordé le problème du racisme. Dans Libération, Christiane Taubira dénonçait à cette époque les attaques racistes qu’elle subissait.
Elkabbach a donc conseillé au ministre de «trouver des formules», car «on ne joue pas avec le racisme».
«Il faut que tu sois l’antiraciste par excellence. Même si tu penses le contraire », a-t-il conseillé.
«La langue de bois» en cause
Le contenu des échanges, publié par Mediapart, correspond à ce que Brice Hortefeux a déclaré sur Europe 1 le 6 novembre 2013.
Contacté par Mediapart, le journaliste s’est justifié en invoquant la «peur terrible de la presse» dont souffrirait M. Hortefeux. Il a évoqué une solution pour éviter «la langue de bois». De son côté, l’ex-ministre de l’Intérieur a expliqué: « La connaissance [d’un journaliste, ndlr] n’est pas la complaisance. Au contraire, c’est l’exigence. Quand on ne prépare pas, il y a de la langue de bois».