Peu de concepts rendent les scientifiques qui étudient les animaux plus sceptiques que l'amour, un terme à la définition mouvante et sans doute trop calqué sur l'expérience humaine.
Mais un nouveau livre, paru aux États-Unis, affirme que pour les chiens, l'amour est un mot non seulement nécessaire mais indispensable à la compréhension du lien qui nous unit à eux depuis des millénaires, l'une des relations inter-espèces les plus proches et importantes jamais observées.
Son titre: Dog is Love (Le chien est amour).
«J'ai fini par devenir sceptique de mon propre scepticisme», dit dans un entretien à l'AFP l'auteur, Clive Wynne, un Anglais de 59 ans qui dirige le laboratoire des sciences canines de l'université d’État d'Arizona.
Ces sciences connaissent une renaissance depuis deux décennies. Dans le livre Le génie des chiens (en anglais seulement), Brian Hare s'est ainsi attaché à démontrer que les chiens étaient dotés d'une intelligence innée et exceptionnelle.
Les pigeons savent, eux, reconnaître des objets représentés en deux dimensions; les dauphins comprennent les règles de grammaire; les abeilles dansent pour dire à leurs congénères où se trouve la nourriture. Tout cela, les chiens en sont incapables.
Puisant dans des années de recherche multidisciplinaire, Clive Wynne propose de changer de modèle. Ce n'est pas l'intelligence des chiens qui les différencie, mais leur «hypersociabilité» et un «instinct grégaire extrême».
L'une des découvertes les plus récentes est que l'hormone responsable de la confiance et de l'empathie chez les humains, l'ocytocine, entre également en jeu dans les relations entre chien et maître.
Quand hommes et chiens se regardent dans les yeux, le taux d'ocytocine monte en flèche, selon des travaux menés par Takefumi Kikusui à l'université Azabu au Japon. Ce qu'on a observé entre mère et bébé (humains).
Ce syndrome se traduit par un retard mental et une hypersociabilité.
«Les chiens, tout comme les gens ayant le syndrome de Williams, éprouvent un désir essentiel de nouer des liens de proximité, d'avoir des relations personnelles chaleureuses: d'aimer et d'être aimé», écrit Clive Wynne.
Cette piste a été confirmée par de nombreuses expériences comportementales, que chacun peut reproduire à la maison avec quelques friandises et récompenses.
Dans l'une d'elles, un chercheur ouvrait la porte de la maison à l'aide d'une corde. Le chien découvrait alors, dehors, à distances égales de la porte, son maître et une gamelle de nourriture. Dans la quasi-totalité des cas, le chien se dirigeait d'abord vers son maître.
Des examens par IRM ont mis en évidence que les cerveaux des chiens étaient plus stimulés par les louanges que par la nourriture.
Mais cette prédisposition innée à l'affection doit être encouragée et développée au début de la vie. Et tout indique que cette histoire d'amour n'est pas exclusive aux humains. Un éleveur a ainsi élevé des chiots parmi une colonie de manchots sur une petite île australienne afin qu'ils défendent les volatiles contre les renards.
Clive Wynne est persuadé que la génétique pourra révéler comment nos propres ancêtres ont domestiqué le chien, il y a au moins 14.000 ans.
Cette hypothèse, soutenue par l'auteur, est certes moins romanesque que l'image de chasseurs capturant et dressant des louveteaux, mais qualifiée de «totalement improuvable» étant donnée la férocité des loups contre les humains.
Heureusement, les progrès technologiques récents permettent de séquencer des brins d'ADN de plus en plus anciens. Peut-être retrouvera-t-on le moment où le gène qui contrôle le syndrome de Williams a muté chez les chiens.
La mutation s'est peut-être produite il y a 8.000 ou 10.000 ans, avance Clive Wynne, à la fin de la dernière période glaciaire, quand on sait que chiens et humains chassaient ensemble.
Quoi qu'il en soit, la leçon à tirer est que les méthodes brutales de dressage vont à l'encontre de la nature des chiens.
«Votre chien attend de vous que vous lui montriez la voie», dit Clive Wynne. Au lieu de les étrangler dans des colliers, faites preuve d'encouragements positifs et de leadership bienveillant, conseille-t-il.
«Nos chiens nous donnent énormément, et ne demandent pas grand-chose en retour», argue l'auteur.
«Ce n'est pas la peine d'acheter tous ces jouets, ces friandises et je ne sais quoi», poursuit-il. «Ils ont besoin de notre compagnie et d'être avec nous.»