Le 18 février 1952, la Turquie adhérait officiellement à l’Otan. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Alliance atlantique, a accordé une interview à l’agence Anadolu où il a félicité la Turquie à l’occasion du 68e anniversaire de sa présence au sein de l’organisation et l’a remerciée pour son «soutien continu». Il a qualifié le pays de «membre puissant et précieux de l'Otan» et a mis en relief sa contribution aux opérations de l’Alliance en Afghanistan, au Kosovo et en Irak.
«Il ne peut être question de retrait»
Le politologue Cahit Armagan Dilek, dirigeant de l’université de recherches La Turquie au XXIe siècle, a rappelé que l’Otan était une alliance non seulement militaire, mais aussi politique et a relevé l’importance des conditions qui avaient existé au moment de l’adhésion de la Turquie dans l’Alliance.
«L’Otan est le produit d’un nouvel ordre mondial qui s’est formé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale […]. Pour évoquer ce que le pays a gagné et perdu avec son adhésion à l’Otan, il faut analyser la situation de 1954. Dans l’après-guerre, les relations entre l’Union soviétique et la Turquie étaient assez tendues. En outre, le pays avait besoin de soutien économique. C’est pour ces raisons qu’il a adhéré à l’Otan», a-t-il expliqué, ajoutant qu’Ankara était également entré dans d’autres organisations européennes.
Toujours d’après Cahit Armagan Dilek, avec la fin de la guerre froide, le rôle de la Turquie au sein de l’Alliance a changé. Il a rappelé que durant cette période, Ankara voulait empêcher l’Union soviétique d’accéder aux mers chaudes.
«Avec la fin de la guerre froide, de nouveaux dangers se sont profilés devant l’Otan, notamment le terrorisme. À partir de 1991, la Turquie est devenue un membre clé de l’Alliance. Aujourd’hui, compte tenu de la situation au Proche-Orient, il est évident que le pays a toujours sa place au sein de l’Alliance. Toutefois, la Turquie ne peut pas obtenir de la part de l’Otan, dont les décisions revêtent un caractère politique, de soutien militaire dont elle a besoin», a-t-il noté.
«Étant donné l’intégration économique, politique et militaire et la dépendance de la Turquie vis-à-vis de l’Otan, il ne peut être question de retrait dans un avenir prévisible. Mais Ankara devrait revenir sur sa compréhension des relations d’alliés et de ses attentes de la part de l’Otan. Car, outre cette dernière, il existe également des alliances bi- et trilatérales mises en place par les pays membres de l’Otan, comme ce fut le cas pour la situation en Méditerranée orientale», a-t-il souligné pour conclure.
«La rupture est inévitable»
Semih Koray, chef du bureau des relations internationales du Vatan, parti non représenté au parlement turc, estime pour sa part que le retrait de la Turquie de l’Otan est inévitable et que le pays «n’a pas d’avenir au sein de l’Otan».
«Tous les dangers qui se dressent aujourd’hui devant la Turquie émanent de l’Alliance», a-t-il affirmé.
Dans ce contexte, il a évoqué le mouvement Gülen et sa tentative de coup d'État, ainsi que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le Parti de l'union démocratique (PYD) qui sont «des instruments du système atlantique».
«Il est évident également que la formation et le ravitaillement de Daech* et d’autres organisations terroristes sont l’œuvre de l’Otan. Dans d’autres domaines également, notamment économique, les principaux dangers viennent de l’Otan si l’on tient compte du fait que cet acronyme sous-entend en premier lieu les États-Unis», a-t-il poursuivi.
Soulignant que le rapprochement de la Turquie avec l’Eurasie était une nécessité objective, il a affirmé que l’Alliance atlantique était une menace non seulement pour la Turquie, mais pour le monde entier.
«Pour cette raison, la rupture est inévitable […]. L’Otan perd progressivement ses positions et sa force. L’Alliance n’a pas d’avenir devant elle, elle est devenue non seulement un système incapable de contribuer au développement de l’humanité, mais encore un système qui empêche ce développement.»
*Organisation terroriste interdite en Russie