Rares sont les témoignages de Français participant à des campagnes électorales à l’étranger. C’est pourtant le cas de Clément Pairot, auteur d’un ouvrage sur les élections américaines, Démocrazies, un frenchie dans la campagne de Bernie Sanders, édité conjointement par Max Milo et Qui mal y pense. Le jeune homme a participé de l’intérieur à l’ensemble des primaires démocrates en 2016, qui ont finalement consacré Hillary Clinton. Bénévole en Iowa, au Nevada ou encore en Californie, le militant pro-Sanders a pu retranscrire ces mois de campagne acharnée, entre un traitement médiatique défavorable et un système démocratique interne qui laisse à désirer. Néanmoins, celui-ci estime que Bernie Sanders a remporté la bataille idéologique, au sein du Parti démocrate, ce qui porte ses fruits pour le scrutin de cette année. Après avoir gagné le New Hampshire et perdu d’un cheveu l’Iowa, le candidat de l’aile gauche fait figure de favori pour l’investiture démocrate.
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Qu’est-ce qui a changé depuis 2016 au sein du Parti démocrate? Les Clinton ne sont plus aux commandes et les modes de scrutin ont été modifiés afin de plus privilégier tel ou tel candidat soutenu par le Parti. Clément Pairot ne se montre pas tendre avec la candidate démocrate qui a perdu, le 9 novembre 2016, contre toute attente, face à Donald Trump.
Il pourfend sa «personnalité clivante», «imbue d’elle-même» et «prétentieuse», auteur d’une «campagne médiocre», «structurellement faible dans les swing states». «Ils [les Clinton, ndlr] ont amené un déni de démocratie en 2016 au sein du Parti démocrate».
«Pour les débats en face à face avec Bernie Sanders, Hillary Clinton avait les questions qui lui étaient envoyées en avance par les journalistes. Bernie Sanders n’avait évidemment pas ce privilège. Donna Brazile a décrit un accord financier avantageux. Quand Hillary Clinton faisait des levées de fonds, il y avait une répartition de la somme finale avec le Parti. En contrepartie, elle avait le droit de valider ou pas les embauches à certains postes clés.»
Ensuite, la focalisation sur Donald Trump et ses outrances n’a pas aidé à produire un message rassembleur. Clément Pairot se remémore ainsi la campagne démocrate de 2016 fascinée par le candidat investi par les Républicains: «Attention à Trump», «Trump est méchant», «Trump est raciste» ou encore «Trump est sexiste». Le temps de parole médiatique qui lui a été consacré durant la campagne présidentielle, par rapport aux autres prétendants, est saisissant:
«Bernie Sanders a quatre fois moins de temps d’antenne qu’Hillary Clinton, et Hillary Clinton a quatre fois moins de temps d’antenne que Donald Trump. Est-ce que c’est une démocratie quand l’un des candidats à l’élection présidentielle a 16 fois plus de temps d’antenne qu’un autre?»
«Bernie Sanders a été immédiatement marginalisé, considéré comme quelqu’un qui ne pouvait pas gagner, quelqu’un qui ne pouvait pas rassembler autour de lui […]. Aujourd’hui, on peut considérer en partie que Bernie Sanders a déjà gagné puisque le salaire minimum à 15 dollars, le Green New Deal, la réflexion sur la couverture de santé, sont au cœur du débat politique. [...]Bernie Sanders rappelle qu’une majorité d’Américains vivent "live from paycheck to paycheck", c’est-à-dire n’ont pas un seul dollar […]. Est-ce que c’est ça une économie florissante où trois personnes possèdent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population américaine?»
Le livre, véritable carnet de bord d’un militant, nous fait découvrir une expérience mémorable en termes de pratiques politiques. Dans chaque campagne électorale américaine, tout est rationalisé, de l’utilisation d’une base de données «où on peut suivre réellement les électeurs un par un», aux conférences téléphoniques, jusqu’aux recrutements de bénévoles, pour réaliser du porte-à-porte ou du phoning: «la discussion que l’on mène avec quelqu’un au téléphone est particulière. Elle est conçue pour amener une personne que vous ne connaissez pas à parler politique avec vous sans gêne». Parti aux États-Unis sur un coup de tête, Clément Pairot est revenu en France avec l’idée d’utiliser ses compétences au service d’une nouvelle cause, la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon.
«J’ai effectivement aidé ponctuellement à mettre en place des vidéos de formation de bénévoles, mais la campagne avait déjà été très finement pensée depuis un an.»