Penserait-on à inscrire le raisin sur la liste des fruits tropicaux? Pas sûr. Et pourtant…
Le 27 janvier dernier, JM Vainqueur, un artiste-chantre, a publié sur sa page Facebook une vidéo dans laquelle il présente aux Ivoiriens du raisin produit dans son village et se livre à une séance de dégustation.
Originaire du village de Gabia, situé dans la sous-préfecture d’Oumé dans le Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire, il entend mettre sous le feu des projecteurs ce fruit, mais surtout son cultivateur, Denis Kouassi, qui le produit depuis maintenant 20 ans, dans un anonymat quasi total.
L'opération est réussie car très vite, c'est toujours plus nombreux que des internautes –de Côte d'Ivoire comme d'ailleurs– découvrent, s'émerveillent et partagent cette «bonne nouvelle».
«Du raisin en Côte d'Ivoire, c’est extraordinaire», «notre terre est bénie», «félicitations à votre pays et à l’Afrique de l’Ouest», telles sont quelques-unes des exclamations qui fusent ici et là sur les réseaux sociaux.
Premier producteur mondial de cacao (la culture emblématique du pays) et de noix de cajou, premier producteur africain de caoutchouc naturel, deuxième producteur africain d'huile de palme, troisième producteur africain de café… la Côte d’Ivoire est depuis plusieurs décennies un grand pays agricole. Le secteur représente environ de 20% du PIB ivoirien et emploie près de la moitié de la population.
Interrogé par Sputnik, Inza Yapo, agronome dans un cabinet d’ingénierie agricole d’Abidjan, assure qu’«il n’y a, en soi, rien de bien surprenant à voir de la vigne pousser à Oumé».
«Toutes les plantes peuvent pousser partout en Côte d’Ivoire. Il suffit d’un minimum de fonds, de temps et d’entretien», a-t-il déclaré au micro de Sputnik.
Plus concrètement, l’agronome Jean-Charles Tano explique, pour ce qui le concerne, que «la vigne est une plante qui se complait dans les sols argilo-calcaires ou argilo-graveleux, des caractéristiques que l’on retrouve dans la zone d’Oumé».
Il est par ailleurs attesté, depuis des dizaines d’années, que la vigne peut également s’épanouir en d’autres endroits de la Côte d’Ivoire. C’est le cas par exemple de Guiglo, une ville de l’ouest du pays où cette plante a été cultivée par des missionnaires européens.
Pour l’agronome Inza Yapo, les véritables obstacles à l’introduction et au développement d’une culture dans une région donnée sont les mœurs des populations (leurs habitudes de consommation), les conditions agroclimatiques (qui peuvent rendre la plante vulnérable à certaines maladies), mais surtout la rentabilité.
«En parlant de rentabilité, il est actuellement, et de loin, bien plus rentable de produire du cacao, du café, de l’hévéa ou de l’anacarde, qu’il n’est ou ne le serait de produire du raisin», a-t-il expliqué.
Sur sa parcelle d'un quart d’hectare, Denis Kouassi arrive actuellement à cultiver plusieurs dizaines de kilogrammes du fruit.
Le planteur, qui a acquis son savoir-faire auprès d’Européens, assure pouvoir faire bien mieux, si la possibilité lui en était donnée. Aussi sollicite-t-il l’aide financière de «toute personne de bonne volonté» pour commercialiser ses produits, acquérir un champ plus grand et, pourquoi pas, faire de la Côte d’Ivoire un hub régional de la culture de la vigne.
La culture du raisin à Oumé rappelle celle de la fraise, qui s’épanouit fort bien dans le sol du Burkina Faso, pays voisin de la Côte d’Ivoire. Ces dernières années en effet, la production de la fraise au Burkina Faso est devenue si florissante et rentable que de jeune Ivoiriens n’hésitent plus à passer la frontière pour se former à sa culture et revenir appliquer leurs connaissances dans le nord du pays.
Si le raisin ivoirien pouvait connaître une trajectoire similaire à celle de la fraise burkinabè, ce serait un succès.